Avez-vous besoin de contacter la rédaction ? Envoyez vos e-mails à [email protected] ou sur notre formulaire.
Médecine douce

Bactéries résistantes : les élevages en cause

Hélène Leroy

Les antibiotiques sont la classe de médicaments qui a révolutionné la médecine et exercé le plus d’impact sur la santé humaine. En éliminant sélectivement plusieurs types de bactéries responsables d’infections et d’autres maladies mortelles, ces substances ont permis de sauver d’innombrables vies et contribué ainsi à la hausse spectaculaire de l’espérance de vie (de 50 à 80 ans) observée depuis le dernier siècle.

Les antibiotiques ont également joué un rôle important en agriculture, permettant aux éleveurs de soigner les animaux malades et ainsi d’améliorer la rentabilité des élevages. Au cours des années 1940-50, on remarqua que les animaux traités aux antibiotiques présentaient une croissance plus rapide et une taille plus imposante, ce qui permettait aux fermiers de réduire les coûts de production et d’offrir ainsi la viande à des prix plus abordables. De remèdes aux animaux malades, les antibiotiques sont ainsi devenus partie intégrante de l’élevage des animaux, étant administrés même chez les animaux sains.

L’augmentation phénoménale de la consommation de viande au cours des dernières années (la production mondiale est passée de 100 millions de tonnes en 1961 à 300 millions de tonnes actuellement), a cependant provoqué un essor considérable de l’utilisation d’antibiotiques à des fins d’élevage : aux États-Unis par exemple, on estime qu’environ 300 milligrammes d’antibiotiques sont utilisés pour produire chaque kilo de viande et d’œufs et que près de 80 % de tous les antibiotiques consommés dans ce pays le sont par les animaux d’élevage. À l’échelle mondiale, il est d’ailleurs navrant de constater que de plus grandes quantités d’antibiotiques sont utilisées chez des animaux en bonne santé que pour traiter des humains malades.

Plus il y a d’antibiotiques: plus il y a de risques de bactéries résistantes

Plusieurs observations suggèrent que cet usage intensif et abusif d’antibiotiques entraîne à long terme des conséquences néfastes pour la santé humaine. Les bactéries possèdent une capacité inégalée de s’adapter à l’adversité : en conséquence, même si la plupart des bactéries sont éliminées suite à l’utilisation d’antibiotiques, la présence continuelle de ces médicaments exerce une pression évolutive qui pousse certaines d’entre elles à acquérir la capacité de leur résister. L’utilisation inappropriée et excessive d’antibiotiques procure donc des conditions favorables à l’émergence de nouvelles souches de bactéries résistantes chez les animaux, cette résistance pouvant par la suite se transmettre aux bactéries qui infectent les humains. Par exemple, l’apparition récente de certaines souches résistantes de salmonelle serait directement liée à l’utilisation excessive d’antibiotiques chez les animaux d’élevage.

Au Danemark, la réduction des antibiotiques dans élevages a permis d’augmenter la production

Un important éditorial de la revue Nature souligne la gravité de ce problème et appelle les organismes gouvernementaux et les médias à sensibiliser la population aux dangers associés à cette utilisation excessive d’antibiotiques. Citant l’exemple du Danemark, où l’industrie a réduit de 60 % l’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage des porcs, la revue souligne l’énorme influence que peuvent avoir les consommateurs sur les pratiques de l’industrie. En choisissant préférentiellement des viandes provenant d’animaux élevés sans antibiotiques, les Danois ont forcé le gouvernement et les producteurs à revoir les pratiques d’élevage, sans pour autant voir leur production diminuer. Bien au contraire, cette production a augmenté de 50 % et le Danemark est aujourd’hui un des principaux pays exportateurs de porc au monde !

Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard : sans une utilisation plus judicieuse des antibiotiques, restreinte au traitement des animaux malades, nous ferons un jour ou l’autre face à des maladies d’origine bactérienne contre lesquelles notre arsenal thérapeutique actuel sera impuissant. À nous d’agir !

Source

 Nature https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22722179

Avez-vous trouvé cet article utile?
À lire aussi