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Nutrition

L’effet anti-cancer du curcuma enfin démontré

Le principal constituant du curcuma, la curcumine, est une molécule capable de bloquer plusieurs processus essentiels à la croissance des cellules tumorales. 

Hélène Leroy

 Il semble même que cette propriété anti-tumorale puisse être un des facteurs contribuant aux écarts gigantesques qui existent entre les taux de certains cancers en Inde et dans les pays occidentaux.

Le curcuma épice anti-cancer ?

Le curcuma est utilisé depuis des millénaires par les habitants de l’Inde, comme en témoigne la découverte de résidus de cette épice sur la paroi de poteries de cuisson utilisées il y a 4500 ans par la civilisation harappéenne, au nord-ouest du pays. Encore aujourd’hui, le curcuma demeure « l’âme » de la cuisine de cette région, les Indiens consommant à eux seuls 80 % de toute la production mondiale de cette épice, ce qui se traduit par un apport alimentaire quotidien moyen d’environ 2 g de curcuma par personne. En plus de ses qualités culinaires, l’abondante recherche réalisée au cours des dernières années (plus de 11 500 publications scientifiques) indique que le curcuma pourrait exercer plusieurs effets positifs sur la santé. C’est notamment le cas en termes de prévention du cancer.

Le curcuma inhibe plusieurs enzymes pro-cancer

Les études précliniques réalisées jusqu’à présent indiquent que l’action anticancéreuse de la curcumine est due à sa capacité à inhiber plusieurs enzymes clefs impliquées dans la progression tumorale, dont diverses tyrosines kinases qui sont déjà ciblées par des médicaments de chimiothérapie, ainsi que certains oncogènes comme Her2, une autre cible majeure des chimiothérapies. Pour clarifier le mécanisme d’action de la curcumine, des scientifiques ont étudié systématiquement son effet inhibiteur sur un très large éventail de kinases, une famille d’enzymes qui lient l’ATP et qui sont connues pour jouer des rôles cruciaux dans la croissance tumorale.

Ils ont observé que de très faibles concentrations de curcumine (picomoles par milli-litre) entraînaient l’inhibition spécifique d’une enzyme appelée dual-specificity tyrosine regulated kinase 2 (DYRK2), tandis que les 140 autres kinases testées dans l’étude n’étaient pas affectées. Cette inhibition spécifique a pu être confirmée par cristallographie aux rayons X, une approche très sophistiquée qui permet de visualiser les protéines au niveau atomique et ainsi analyser leurs mouvements ou leurs interactions avec un partenaire. En cristallisant l’enzyme DYRK2 en présence de curcumine, les scientifiques ont pu observer que cette dernière interagissait spécifiquement au site de liaison de l’ATP, bloquant du même coup l’activité de la kinase.

 

Le curcuma diminue de le volume et l’activité tumorale

Cet effet inhibiteur est très intéressant, car la DYRK2 est un activateur du protéasome 26S, une nouvelle cible en chimiothérapie. Le protéasome est un ensemble d’enzymes qui est responsable de l’élimination naturelle des protéines non fonctionnelles de la cellule. En bloquant l’activité de la DYRK2, la curcumine provoque donc une accumulation de protéines anormales qui finissent par provoquer la mort de la cellule cancéreuse, en l’intoxicant. Ceci est particulièrement vrai dans le cas de certains types de cancer qui dépendent fortement de la présence d’un protéasome fonctionnel, comme le cancer du sein triple négatif et le myélome multiple. Dans ce dernier cas, il est intéressant de noter qu’un inhibiteur du protéasome (le bortezomib) est déjà approuvé pour le traitement des premiers stades des récidives de myélomes multiples.

Cette action de la curcumine pourrait même expliquer certains résultats spectaculaires qui ont été obtenus lors d’essais cliniques. Par exemple, dans une étude réalisée au prestigieux MD Anderson Cancer Center (Houston, TX) auprès de vingt-cinq patients atteints d’un cancer du pancréas en phase terminale, l’administration de curcumine a entraîné une réduction spectaculaire (73 %) du volume tumoral chez un patient et stabilisé la maladie chez quatre autres. L’un de ces patients a même survécu plus de deux ans et demi à la maladie, ce qui est tout à fait remarquable étant donné l’extrême gravité de son état de santé au début du traitement.(3) Des résultats positifs ont aussi été observés pour plusieurs autres types de cancers, avec une diminution significative de plusieurs marqueurs inflammatoires et tumoraux et une amélioration de l’état de santé général des patients.

Le curcuma en prévention dans son alimentation quotidienne

En termes de prévention du cancer, l’action positive de la curcumine sur des cancers très avancés, qui ne répondent plus à la chimiothérapie dans plusieurs cas, suggère fortement que cette action sera encore plus efficace contre des tumeurs à leur début et qui sont par le fait même beaucoup plus sensibles à la présence d’agents anticancéreux. C’est pour cette raison que la consommation régulière de curcuma peut prévenir le cancer : grâce à son action anti-inflammatoire et ses multiples propriétés anticancéreuses, la curcumine crée un environnement inhospitalier pour les micro-tumeurs qui se développent spontanément au cours de nos vies, les privant des ressources nécessaires à leur progression en cancer mature.

Source :

Kashyap A et S Weber. Harappan plant use revealed by starch grains from Farmana, India. Antiquity 2010;84:326.

Banerjee S et coll. Ancient drug curcumin impedes 26S protea- some activity by direct inhibition of dual-specificity tyrosine-regulated kinase 2. Proc. Natl Acad. Sci. USA 2018 ; 115 : 8155-8160.

Dhillon N et coll. Phase II trial of curcumin in patients with advanced pancreatic cancer. Clin. Cancer Res. 2008 ; 14 : 4491-4499

Kunnumakkara AB et coll. Curcumin, the golden nutraceutical: multitargeting for multiple chronic diseases. Br J Pharmacol., Br J Pharmacol. 2017; 174: 1325-1348.

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