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« Déjà vu » : quand on a l’impression de revivre deux fois un même événement

C'est étrange, n'est-ce pas ? Ce sentiment d'être déjà allé quelque part, tout en sachant très bien que c'est votre première visite. Le sentiment de déjà-vu nous est pratiquement familier à tous, mais de quoi s'agit-il exactement ?

Marie Desange

Beaucoup d’entre nous ont déjà eu une impression de déjà vu, mais aucun ne semble savoir pourquoi. Même quelqu’un qui a les pieds bien ancrés dans le domaine de la logique et de la science ne peut s’empêcher de se sentir un peu ésotérique lorsque le déjà vu frappe, comme une secousse de nostalgie fantasque venue des profondeurs de l’éther. Le déjà vu fascine les chercheurs et les profanes depuis des siècles. L’expérience est également relativement répandue. Selon diverses enquêtes, près des deux tiers des personnes ont vécu ce sentiment de retour en arrière.

Cependant, malgré la prévalence du déjà vu, il s’est avéré être un phénomène délicat à cerner. On ne peut pas simplement allonger quelqu’un dans un scanner IRM et attendre un épisode, car il pourrait y rester pendant des semaines.

Bien qu’une réponse définitive n’ait pas été apportée, il existe toute une série de théories qui dérivent entre les domaines de la psychologie et de la neuroscience. Nous expliquerons ici quelques-unes des théories les plus convaincantes.

Ce que nous savons du « déjà vu »

Bien qu’il soit considéré comme malvenu d’alerter prématurément les lecteurs des conclusions d’un article, nous ne savons toujours pas pourquoi ni comment le déjà vu se produit. Alors, que savons-nous de l’expérience ?

– L’âge : le déjà vu semble se produire plus fréquemment chez les jeunes, et devient de moins en moins fréquent avec l’âge.

– Le sexe : Les hommes et les femmes semblent le ressentir à peu près à la même fréquence.

– Social : Selon certaines études, le déjà vu est plus fréquent chez les personnes appartenant à des groupes socio-économiques supérieurs et chez les personnes plus instruites.

– Voyages : Les personnes qui voyagent plus fréquemment sont plus susceptibles de ressentir du déjà-vu. Une étude réalisée en 1967 a révélé que seulement 11 % des personnes n’ayant jamais voyagé avaient déjà vu, contre 41 % de celles qui font entre un et quatre voyages par an et 44 % de celles qui voyagent cinq fois par an ou plus.

– Le stress : D’autres études ont démontré que le déjà-vu est plus fréquent lorsque nous sommes particulièrement fatigués, stressés, ou les deux. Par exemple, de nombreux rapports font état de troupes ayant des impressions de déjà-vu à l’approche d’une bataille.

– La drogue : Certaines drogues peuvent augmenter la probabilité d’une impression de déjà-vu. Une étude de cas publiée en 2001 relate l’expérience d’un homme de 39 ans, en bonne santé mentale, qui a ressenti une impression de déjà-vu récurrent lorsqu’il a pris de l’amantadine et de la phénylpropanolamine en même temps pour traiter la grippe.

Où le « déjà vu » se produit-il dans le cerveau ?

Il est peut-être surprenant de constater que le déjà vu ne semble pas être en corrélation avec des troubles mentaux particuliers. La seule condition qui soit associée de manière fiable à cette expérience est l’épilepsie du lobe temporal (ELT).

Le lobe temporal semble être important dans le déjà vu. Dans cette forme particulière d’épilepsie, comme dans d’autres types, il y a souvent une « aura » avant une crise. Chez certaines personnes atteintes d’épilepsie, l’aura comporte régulièrement du déjà vu. Les lobes temporaux, impliqués dans la mémoire visuelle et le traitement des données sensorielles, semblent être les principaux suspects de l’existence d’un sentiment de déjà vu.

Une étude réalisée en 2012 a permis d’affiner un peu plus les recherches. Ils ont découvert que la stimulation des cortex entorhinaux (CE) peut produire des expériences de type déjà vu. Les CE, situés dans le lobe temporal médian, jouent un rôle dans la mémoire spatiale et la consolidation de la mémoire.

4 théories pour expliquer le « déjà vu »

La région du cerveau associée au déjà vu est peut-être coincée, mais quelles en sont les causes ? En général, les théories du déjà-vu se répartissent en quatre catégories :

– le double traitement
– neurologique
– mémoire
– attentionné

Aucune des théories suivantes ne détient toutes les réponses, mais chacune donne une occasion unique de se délecter de l’expérience, mince mais remarquablement solide, que nous appelons la conscience.

1 Double traitement

En bref, les théories du double traitement suggèrent que deux processus cognitifs qui fonctionnent normalement en parallèle sont, pour un instant, découplés. Cette catégorie d’explications peut être divisée en quatre types, selon les processus que l’on imagine avoir découplés. Il convient de noter qu’il s’agit là de certaines des plus anciennes théories du déjà vu, et qu’aucune d’entre elles ne repose sur des preuves empiriques. Elles donnent cependant matière à réflexion :

Connaissance et rappel :

Cette théorie soutient que la familiarité et la récupération sont deux fonctions cognitives qui fonctionnent normalement de concert. Si, pour une raison quelconque, la familiarité était déclenchée par erreur, nous aurions l’impression sans fondement d’avoir déjà été quelque part.

2 Encodage et récupération

Cette explication est accompagnée d’une métaphore pratique : un magnétophone. Normalement, la tête d’enregistrement (encodage) d’un magnétophone et les têtes de lecture (récupération) fonctionnent séparément. Soit nous déposons la mémoire, soit nous la récupérons. La théorie veut que parfois, les deux têtes peuvent accidentellement fonctionner ensemble. Cela signifie que nous générons une fausse impression de familiarité avec la séquence d’événements qui est jouée en même temps. Bien que la métaphore soit plaisante, les scientifiques ne sont pas convaincus. La formation et la récupération de la mémoire ne fonctionnent pas de cette manière.

3 Perception et mémoire

Cette théorie affirme que, lorsque nous percevons des événements, les souvenirs se forment en même temps. Normalement, nous nous concentrons sur la perception des événements, mais si nous sommes fatigués ou distraits, la formation d’un souvenir peut se produire exactement au même moment où nous percevons notre environnement. De cette façon, notre perception du « maintenant » apparaîtrait comme un souvenir.

4 La double conscience

Envisagée pour la première fois dans les années 1880 par Hughlings-Jackson, elle postule que nous avons deux courants de conscience parallèles : l’un surveillant le monde extérieur et l’autre nos rêveries intérieures. Si la conscience primaire, plus sensible et tournée vers l’extérieur, s’amenuise en raison de la fatigue, la conscience plus primitive prendrait le relais et confondrait accidentellement les nouvelles expériences avec les anciennes expériences internes.

Bien que chacun des éléments ci-dessus donne matière à réflexion, aucun d’entre eux n’est à la hauteur des théories scientifiques modernes.

Explications neurologiques

Les explications neurologiques du déjà vu sont généralement divisées en « crise » et « retard de transmission neuronale ».

1 Crise

Comme mentionné précédemment, les personnes atteintes d’épilepsie ont souvent une impression de déjà-vu dans le cadre de l’aura avant une crise. La logique veut que, si tel est le cas, le déjà vu soit un type de crise mineur. Cependant, les données ne le confirment pas. Le déjà vu n’est pas plus fréquent chez les personnes épileptiques en général, et les personnes qui ont du déjà vu plus régulièrement ne sont pas plus sujettes aux crises.

En outre, bien que le lien entre le déjà vu et l’épilepsie soit bien établi, la majorité des personnes atteintes de ce trouble ne ressentent pas le déjà vu comme faisant partie de leur aura.

2 Retard de transmission neuronale

Il existe plusieurs versions de cette théorie. L’une d’entre elles décrit le déjà vu comme une information qui part de l’œil par un certain nombre de voies pour atteindre les centres supérieurs. Si les informations provenant de deux voies arrivent à des moments différents, pour une raison quelconque, le cerveau peut percevoir le second message comme une information ancienne.

Explications de la mémoire

Cette section des théories se concentre sur la façon dont les souvenirs sont stockés, conservés et récupérés. Une explication basée sur la mémoire a un certain fondement expérimental. Une étude réalisée en 2012, utilisant la réalité virtuelle, a donné un aperçu intriguant. Les chercheurs ont découvert que si l’on montrait aux participants une scène très similaire à une scène qui leur avait été présentée auparavant mais dont ils ne se souvenaient pas, un sentiment de déjà vu se faisait parfois sentir.

En d’autres termes, si le souvenir d’une scène ne nous est pas rappelé lorsque nous regardons une nouvelle scène similaire, la scène précédemment vécue stockée dans notre banque de mémoire exerce toujours une certaine influence. Peut-être un sentiment de familiarité.

Dysfonctionnement de la mémoire pour explique le Déjà vu

Une autre théorie de la mémoire avancée bouleverse notre notion de familiarité. Peut-être avons-nous mal pensé à la « familiarité ». Par exemple, si nous voyions notre facteur à la porte d’entrée de notre maison, une scène très familière, cela ne produirait pas un sentiment de familiarité. En revanche, si nous voyions notre facteur à l’improviste, par exemple si nous sommes en vacances en dehors de la ville, cela évoquerait un sentiment de familiarité.

Notre soi-disant sentiment de familiarité ne frappe pas quand nous voyons des choses familières. Si c’était le cas, nous ressentirions presque constamment un sentiment de familiarité. Ce sentiment de familiarité se produit plutôt lorsque nous voyons quelque chose de familier de manière inattendue.

Lorsque nous voyons quelque chose de familier, notre cerveau le traite plus rapidement et cela demande moins d’efforts. Si nous devions voir quelque chose de très familier (mais que nous ne le reconnaissons pas sur le moment) dans un cadre non familier, l’élément familier serait traité rapidement (même si nous ne l’avons pas remarqué), ce qui donnerait une impression de familiarité à toute la scène.

Explications attentives

Le quatrième volet des explications sur le déjà-vu porte sur l’attention. Ces théories reposent sur le fait qu’une scène est brièvement observée sans qu’on y prête toute l’attention nécessaire. Puis, peu après, la même scène est à nouveau perçue, mais cette fois-ci avec une perception complète. La deuxième perception correspond à la première et est accidentellement supposée être plus ancienne qu’elle ne l’est en réalité, ce qui déclenche un sentiment de déjà vu.s

Encore plus à apprendre

Aussi intrigantes que soient ces théories, aucune n’a été prouvée et, en réalité, toutes pourraient avoir une part de vérité, voire aucune. Nous supposons que le déjà vu est un type d’expérience unique, mais il pourrait être généré de manière subtilement différente, soit entre les individus, soit au sein d’un même individu à des moments différents. Bien que les lobes temporels semblent être impliqués, nous ne sommes vraiment pas plus avancés dans la compréhension des raisons de ce phénomène omniprésent et troublant. Alors, la prochaine fois que vous aurez une impression de déjà vu, ne manquez pas de vous délecter de l’un des mystères inexpliqués les plus fascinants de la biologie humaine.

Sources

https://n.neurology.org/content/63/5/858.short

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22322010/

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