Exercice physique et dépression : l’éclairage des nouvelles recherches
Une nouvelle étude approfondie a ainsi examiné les différents types d'exercices et leur impact sur les symptômes dépressifs

Face à la progression constante des troubles dépressifs dans la population, trouver des stratégies complémentaires aux traitements conventionnels devient crucial. Si les antidépresseurs ou la psychothérapie restent indispensables pour de nombreux patients, une part grandissante des études souligne l’intérêt d’intégrer une activité physique bénéfique au parcours de soins. Quels types d’exercices apportent les résultats les plus convaincants ? Peut-on réellement espérer un allègement des symptômes grâce au mouvement ? Explications, chiffres et conseils issus des avancées les plus récentes.
Sur quoi repose la synthèse des données récentes ?
Pour dépasser les avis partiels ou anecdotiques, une équipe internationale a réalisé une synthèse fouillée regroupant 218 essais cliniques, révélée dans The BMJ début 2024 (Noetel et al., 2024). Près de 14 200 personnes âgées de 18 à plus de 65 ans ont participé à ces études, couvrant divers antécédents de santé et différentes formes de dépression. Leur objectif : comparer objectivement les principaux formats d’activité physique au regard de l’amélioration de l’état psychique.
La démarche scientifique de l’analyse
- Toutes les sources incluses répondent aux standards des essais randomisés contrôlés : chaque intervention était testée contre l’absence d’activité ou contre un accompagnement standard.
- L’intensité, la durée et la fréquence de l’exercice étaient soigneusement documentées, tout comme le profil d’âge ou de genre.
- L’impact a été mesuré à travers des questionnaires standardisés évaluant précisément la sévérité des symptômes dépressifs au fil des séances.
Quels exercices se détachent comme les plus utiles ?
Selon cette méta-analyse, la marche, la course à pied, le yoga et la musculation affichent les résultats les plus encourageants chez l’adulte souffrant de troubles dépressifs légers à modérés.
Focus sur les exercices efficaces selon les récentes études
- La marche se distingue par sa simplicité d’accès : elle permet une adaptation facile selon le niveau de forme ou la situation.
- La course à pied (du footing à la course fractionnée) constitue une option aux bénéfices attestés, même à basse fréquence.
- Le yoga conjugue travail physique, attention portée au souffle et relaxation, agissant de manière globale sur le corps et le mental.
- La musculation – longtemps négligée dans le traitement de la dépression – gagne en reconnaissance pour ses vertus sur l’humeur et la confiance en soi.
Les exercices à intensité modérée ou soutenue affichent les plus forts effets, sans nécessité de pratiques longues pour obtenir un bénéfice mesurable. Les activités telles que le tai-chi ou le qi gong, si elles peuvent être appréciées dans d’autres contextes, n’ont pas démontré la même efficacité pour diminuer la sévérité de la dépression, selon les résultats collectés.
D’ailleurs, intégrer la marche de façon régulière dans la routine quotidienne présente un intérêt certain, notamment en raison de son faible coût et de sa souplesse.
Existe-t-il des différences selon le genre ?
La distinction entre hommes et femmes réserve certaines surprises. Les analyses montrent notamment que les femmes bénéficient davantage d’une routine en musculation, tandis que le yoga et le qi gong semblent mieux convenir aux hommes en recherche d’amélioration sur le plan psychique. Selon les auteurs, la nouveauté, mais aussi l’aspect de “défi personnel”, contribuent à cet effet : sortir de ses habitudes favorise un engagement plus profond, pièce maîtresse pour interrompre un cercle dépressif.
L’expérience de François Lehn (d’après ses articles) rejoint cette lecture : introduire de nouveaux exercices stimule à la fois la motivation et la sensation de compétence, indispensables pour rétablir l’estime de soi et rompre avec l’apathie typique de la dépression.
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Pourquoi l’exercice physique joue-t-il sur l’humeur ?
Impact sur le cerveau et la biochimie
Plusieurs mécanismes sont proposés pour expliquer les bienfaits du mouvement sur la santé mentale :
- Un impact direct sur la fabrication et la libération des neurotransmetteurs impliqués dans le bien-être. Il est démontré que l’exercice régulier élève le taux de sérotonine et de dopamine, ressources clés pour lutter contre la tristesse et la perte de motivation.
- Une réduction de l’inflammation générale de l’organisme, qui joue un rôle dans l’apparition et la persistance de symptômes dépressifs : marcher ou courir régulièrement limite la sécrétion des cytokines associées à un état inflammatoire chronique (CDC, 2023).
- Une meilleure oxygénation cérébrale, qui favorise la neurogénèse (création de nouveaux neurones) et le renouvellement des connexions neuronales, processus à la base de la récupération mentale après un épisode dépressif.
L’apport de certains nutriments, telle une consommation suffisante d’oméga-3 pour l’humeur, renforce encore l’action de l’activité physique, d’après l’ouvrage « Rajeunir ».
Effets psychologiques et mode de vie
- La pratique d’un sport ou d’un exercice physique procure souvent un objectif tangible, ce qui participe à renforcer l’estime de soi et la perception de sa propre efficacité.
- Le sommeil – fréquemment perturbé en cas de troubles de l’humeur – retrouve en qualité et en durée, ce qui contribue à ralentir la spirale des pensées négatives.
- Les occasions de contacts sociaux offertes durant une séance collective ou lors de marches en groupe participent à limiter l’isolement, souvent facteur aggravant de la dépression.
- L’engagement dans une activité physique favorise la présence à soi et au moment, particulièrement au sein de disciplines comme le yoga ou le stretching, qui sollicitent la pleine conscience.
Multiplier les approches (mix sport/activité physique, alimentation adaptée, engagement social, pratiques relaxantes) s’avère bénéfique pour renforcer les effets du traitement, selon la perspective de François Lehn.
Adopter plusieurs leviers, dont l’alimentation ou l’auto-motivation, permet parfois d’optimiser sa prise en charge dans la durée.
Adapter l’exercice à son parcours personnel
L’importance de la personnalisation
Il n’existe pas de « bonne » discipline universelle : chaque personne peut tirer bénéfice d’une approche adaptée à ses habitudes, à ses goûts et à son état de forme du moment.
- Chez les sédentaires ou toute personne n’ayant jamais pratiqué de sport, débuter même très progressivement suffit souvent à obtenir un premier soulagement d’ordre psychique.
- Les individus ayant déjà des habitudes sportives marquées doivent renouveler leur routine pour en conserver tous les effets (varier la nature de l’effort, l’environnement, la durée, voire les partenaires d’entraînement).
Certains travaux récents ont aussi exploré des alternatives complémentaires, comme l’effet positif de la chaleur sur l’organisme pour améliorer le moral, un axe encore en cours d’étude mais prometteur dans certains cas.
Repères pour intégrer l’activité dans le quotidien
S’engager dans la durée s’avère parfois difficile. Plusieurs stratégies pratiques augmentent les chances de réussite :
- Définir les raisons pour lesquelles on entreprend ce changement (besoin de soulagement, désir d’autonomie, envie de retrouver l’énergie, etc.).
- Fixer des objectifs réalisables et réajuster régulièrement le niveau de difficulté, pour maintenir l’envie et la satisfaction.
- S’entourer d’un soutien, que ce soit un proche, un groupe ou un professionnel, pour éviter la solitude de la démarche.
- Choisir des activités qui procurent du plaisir, facteur clé pour la persévérance.
- Mesurer les progrès, en notant sur un carnet ou via une application ses séances, sensations ou variations d’humeur.
L’efficacité à long terme dépend autant du plaisir ressenti que de la cohérence avec son mode de vie. Une activité physique bénéfique est avant tout celle qui s’inscrit dans la durée et le respect de ses propres limites.
Besoin d’un encadrement : pourquoi consulter ?
Modifier ses routines, surtout en présence de symptômes dépressifs intenses ou d’antécédents médicaux, doit s’accompagner d’un avis professionnel. Un médecin généraliste, un psychiatre ou un coach formé pourra :
- Évaluer la compatibilité de l’activité avec l’état de santé général
- Recommander un protocole progressive et personnalisé
- Assurer le suivi, notamment en cas de rechute ou d’effets indésirables
Prendre l’avis d’un professionnel vise à garantir la sécurité, mais aussi à maximiser les chances de persévérer et d’obtenir des résultats mesurables.
Bilan des avancées sur le lien entre exercice physique et dépression
À la lumière de ce large ensemble d’études, l’intégration d’une activité physique apparaît aujourd’hui comme un soutien de choix dans la prise en charge de la dépression. Les bénéfices se dessinent aussi bien sur le plan biologique que psychologique : marche, course, yoga ou musculation s’avèrent particulièrement intéressants, à condition de tenir compte des préférences et du contexte individuel. L’innovation dans la routine, l’appui d’un professionnel et l’ancrage progressif dans le quotidien représentent des facteurs majeurs de succès. La persévérance, le plaisir et la diversité constituent les véritables moteurs d’un retour à l’équilibre émotionnel. Ainsi, chaque pas compte et mérite d’être encouragé, quel que soit l’âge ou le parcours de chacun.
Noetel M, Sanders T, Gallardo-Gómez D, et al. Effect of exercise for depression: systematic review and network meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ. 2024;384:e075847. doi:10.1136/bmj-2023-075847
Lee B, Wang Y, Carlson SA, et al. National, state-level, and county-level prevalence estimates of adults aged ≥18 years self-reporting a lifetime diagnosis of depression – United States, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2023;72(24):644-650. doi:10.15585/mmwr.mm7224a1