Boire de l’eau froide : risque réel ou simple préjugé ? Ce que révèlent les études
L'arrivée de TikTok et d'autres plateformes de médias sociaux donnent lieu à des rumeurs selon lesquelles boire de l'eau froide serait "mauvais pour la santé".

Au cœur des échanges digitaux sur la santé, la température de l’eau bue chaque jour suscite débats et affirmations parfois contradictoires. Les réseaux sociaux et les cercles familiaux voient s’opposer les partisans de l’eau glacée à ceux qui recommandent l’eau chaude ou à température ambiante. Au-delà des convictions héritées de certaines cultures ou de la popularité de méthodes comme l’Ayurveda, que concluent objectivement les recherches médicales ? Existe-t-il un danger concret lié à la consommation d’eau froide ? Tour d’horizon des croyances, de la littérature scientifique et des situations individuelles pour éclairer ce sujet.
Origines culturelles et héritages autour de la température de l’eau
L’influence de l’Ayurveda et de la médecine chinoise
Les traditions indienne et chinoise accordent une place centrale à la température des boissons dans l’équilibre alimentaire. Selon les principes de l’Ayurveda, boire des liquides froids peut affaiblir le feu digestif (agni), élément essentiel pour métaboliser correctement les aliments. La digestion serait ainsi ralentie, hypothèse gravée dans certains textes anciens. La médecine traditionnelle chinoise s’intéresse également beaucoup à ce paramètre : elle attribue à l’eau froide la capacité de nuire au bon fonctionnement de la rate et de l’estomac, en perturbant la circulation de l’énergie ou « qi ». Ce bagage culturel irrigue aujourd’hui encore de nombreux conseils donnés aussi bien en Asie qu’en Europe ou en Amérique du Nord.
Cette dimension culturelle explique la prégnance de certaines recommandations, mais elle souligne aussi la nécessité de confronter ces affirmations à l’éclairage des données médicales actuelles.
L’eau froide accusée de favoriser les infections respiratoires
Une conviction populaire, largement répandue, suggère qu’il faudrait éviter l’eau froide lors d’un rhume ou en cas d’affection des voies ORL. Certains s’appuient sur une étude publiée dans “The Journal of Laryngology & Otology” en 1978 : 15 adultes y ont reçu soit de l’eau froide, soit une boisson chaude, et les chercheurs ont constaté que le liquide froid accentuait la viscosité de leur mucus nasal, là où la soupe chaude le rendait plus fluide (Eccles R, Azzopardi F, 1978). Toutefois, il convient de rappeler que cette étude portait sur un petit groupe sain, et ne prouve pas que l’eau froide aggrave effectivement un rhume.
Priorité : rester bien hydraté, quelle que soit l’origine de l’infection et la température de l’eau bue.
Sensibilité individuelle : migraines occasionnelles suite à l’eau froide
Pour certains, avaler une boisson très froide déclenche une douleur brève et intense au front, phénomène surnommé “brain freeze”. Selon une enquête menée auprès de 669 femmes (Bussone et al., 2001), 8 % des participantes ont signalé des maux de tête à la suite de la consommation d’eau glacée, surtout parmi celles ayant récemment souffert de migraines. Cela reste donc un effet relativement rare, mais scientifiquement observé.
À l’inverse, certaines méthodes de soulagement des migraines, comme l’application de froid sur les tempes ou dans la bouche, peuvent diminuer la douleur (Kasey et al., 2022). La réactivité au froid varie ainsi fortement d’un individu à l’autre.
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Impacts digestifs et métaboliques : entre craintes et constats réels
Eau froide et digestion : faut-il s’inquiéter ?
L’idée selon laquelle boire froid ralentirait ou perturberait la digestion se retrouve souvent relayée. Des chercheurs l’ont testée auprès de 11 adultes sains : ils ont mesuré les contractions de l’estomac après avoir bu de l’eau froide (2 °C), à température corporelle (37 °C) ou chaude (60 °C) environ une heure avant un repas. Résultat : l’eau glacée a nettement réduit la contraction gastrique, ainsi que l’appétit lors du repas qui suivait (source dans Presse Santé). Il ne s’agit pas d’un blocage digestif, mais d’un effet passager et mesuré sur un groupe restreint.
En réalité, hors troubles particuliers, il n’existe aucune preuve médicale robuste imposant d’éviter l’eau froide pour préserver la digestion. L’effet reste modeste et ponctuel chez les adultes en bonne santé.
Pour en savoir plus sur les liens entre hydratation et digestion, voir : améliorer la digestion avec l’eau.
La consommation d’eau froide fait-elle maigrir ?
Certains avancent que boire froid forcerait l’organisme à dépenser davantage de calories, l’eau devant être réchauffée à température interne. Si ce mécanisme existe, il demeure cependant très limité. Selon une publication de Daniels et Popkin (2010), ces dépenses énergétiques supplémentaires n’influencent pas de manière notable la perte de poids. Aucun effet “brûle-graisses” n’a ainsi été démontré avec la consommation d’eau froide dans le cadre d’un régime.
L’hydratation demeure un facteur de santé essentiel : l’important reste avant tout de boire suffisamment. Plus de conseils santé sur avantages de l’eau.
Cas exceptionnels : achalasie œsophagienne et difficulté avec l’eau froide
Certaines pathologies nécessitent effectivement de choisir la température de ses boissons. Les personnes souffrant d’achalasie, trouble rare perturbant l’ouverture de l’œsophage, signalent souvent une aggravation de la gêne lors de l’ingestion de liquides froids (Triadafilopoulos, 2012). La plupart des spécialistes recommandent dans ces situations des boissons chaudes ou à température ambiante pour faciliter la déglutition.
Le conseil n’a donc de portée que pour cette maladie spécifique.
Eau froide et variations de la pression artérielle
L’ingestion d’eau induit naturellement une légère hausse de la pression sanguine. Ce phénomène, connu sous le nom de “pressur response”, s’amplifie lorsque l’eau est très froide. Des travaux récents (Epstein et al., 2022) ont suivi l’effet de l’eau glacée sur des jeunes adultes et des sujets plus âgés touchés par une hypotension orthostatique, notant une élévation temporaire de leur tension après consommation.
- Pas d’impact négatif repéré chez les personnes sans pathologie
- Réaction plus perceptible chez les seniors ou en cas de déshydratation
- Outil d’appoint utile pour faire remonter la pression en cas de malaise passager
Eau froide après le repas : danger ou interprétation ?
De nombreuses publications, y compris sur Internet, affirment que boire de l’eau froide au cours ou après les repas pourrait contribuer à l’apparition de troubles digestifs, voire majorer le risque de cancer. Or, aucune étude sérieuse ne vient soutenir cette affirmation. La température de l’eau consommée, qu’elle soit fraîche ou non, n’entraîne ni danger ni bénéfice particulier pour le système digestif. Ce qui importe : maintenir une hydratation régulière, bénéfique aussi bien pour les reins que pour le transit intestinal.
Pour un aperçu détaillé des rôles de l’eau dans l’alimentation équilibrée, lire améliorer votre santé avec l’eau.
Quand choisir l’eau froide : indications pratiques
L’eau rafraîchissante présente des avantages précis dans certaines circonstances :
- Au retour d’un effort physique intense, pour accélérer le retour à une température corporelle normale
- Lors de vagues de chaleur ou en contexte de canicule, afin de soutenir l’organisme soumis à des températures élevées
- Si la préférence pour l’eau froide favorise une meilleure consommation tout au long de la journée
En cas d’épisodes hypotensifs, chez certains adultes, la boisson fraîche peut également contribuer à augmenter temporairement la pression sanguine. Pour les personnes sujettes à des pathologies particulières (troubles ORL, migraines fréquentes, achalasie), il peut être utile de consulter un professionnel avant de modifier son mode d’hydratation.
L’essentiel à retenir
- Aucune étude solide ne montre que boire de l’eau froide pose le moindre risque aux personnes en bonne santé
- Seuls certains profils particuliers – migraineux ou personnes souffrant d’achalasie – peuvent rencontrer des inconforts ciblés
- Le facteur principal demeure la préférence individuelle, tant qu’elle garantit une hydratation suffisante
- Traditions et valeurs personnelles méritent écoute, mais aucun argument médical ne justifie de proscrire l’eau froide hors indications spécialisées
- Adapter ses habitudes selon la saison, ses ressentis ou son état du moment reste le choix le plus sain
En cas de manifestations inhabituelles digestives, ORL ou circulatoires liées à la température des boissons, il est préférable d’en discuter avec un médecin. Pour la grande majorité, ajuster la température selon la météo, l’activité ou l’envie suffit à préserver une hydratation optimale sans conséquence nocive avérée.