Avez-vous besoin de contacter la rédaction ? Envoyez vos e-mails à [email protected] ou sur notre formulaire.
Bien êtreLe saviez vous ?On en parleSanté

Thérapies psychédéliques : 5 troubles de santé qu’elles pourraient améliorer

Les substances hallucinogènes sont illégales mais pourraient améliorer la santé mentale dans 5 cas précis.

Les recherches sur les thérapies psychédéliques ont été interrompues dans les années 70, notamment aux USA. Ces démarches étaient marginalisées et associées à la contre-culture. Alors que la France était pionnière dans l’étude des substances psychédéliques, elle les a également réprimées vigoureusement par la suite.

Un vent nouveau souffle sur ces traitements qui suscitent un grand intérêt : développement d’études pilotes, programmes universitaires, création de cliniques spécialisées et légalisation de certaines substances hallucinogènes aux USA par le gouvernement fédéral et certains états. Quelques influenceurs culturels américains, comme l’écrivain Michael Pollan, ou l’artiste Chelsea Handler, y contribuent également.

En France, le cadre légal reste très restrictif et les chercheurs doivent être autorisés à mener leurs études. Cependant, de récents travaux suggèrent que des substances psychédéliques seraient utiles pour traiter des troubles mentaux de type dépression, alcoolisme, stress post-traumatique, addictions.

L’univers prometteur des thérapies psychédéliques demeure pour l’instant sous-exploré : les besoins en recherche, qui sont considérables, souffrent des préjugés associés à la drogue récréative, “plaisir”, et le paysage juridique reste compliqué en Europe et dans une moindre mesure aux USA.

Qu’est-ce qu’une thérapie psychédélique et des substances psychédéliques ?

La thérapie psychédélique

Il n’y a pas encore de définition commune de la thérapie psychédélique.

  • Aux USA, les National Institutes of Health ont organisé un atelier en 2022 pour discuter du rôle possible des hallucinogènes dans les soins médicaux. Ces médicaments sont décrits comme pouvant avoir un effet sur « la perception du monde extérieur et le rôle qu’une personne pourrait avoir à l’intérieur de celui-ci ». Ils sont classés parmi les substances capables d’influencer l’humeur, la gestion du stress, la mémoire et le fonctionnement social.
  • En février 2020, Frontiers of Psychiatry a défini la thérapie psychédélique comme un traitement contre les troubles mentaux durant lequel un patient reçoit une dose de substances psychédéliques dans un cadre clinique (incluant la participation à des séances préparatoires et des rencontres avec un thérapeute).

Les auteurs font référence aux substances psychédéliques sérotoninergiques qui activent un récepteur spécifique de la sérotonine dans le cerveau : elles modifient la perception et produisent des effets hallucinogènes.

Ces sujets peuvent également vous intéresser:

Rappel : l’utilisation de drogues reste illégale et ne peut constituer une thérapie psychédélique sans une supervision clinique. Le corps médical ne recommande pas ces usages qui sont nocifs, malgré le plaisir immédiat procuré.

Les substances psychédéliques

Les produits psychédéliques classiques sont un groupe de substances psychoactives : psilocybine (un champignon du genre psilocybe), LSD (synthétisé en laboratoire à partir d’un autre champignon) et ayahuasca (boisson traditionnelle à base de deux plantes).

Les autres drogues dérivées, la kétamine et la MDMA, sont considérées comme des agents hallucinogènes (ou psychédéliques) non classiques : elles partagent des voies similaires dans le cerveau et induisent des effets semblables, selon la déclaration publiée en mars 2023 dans Psychedelic Medicine concernant la définition des substances psychédéliques.

Classiques et non classiques sont souvent regroupés lors des discussions sur la thérapie psychédélique. Les NIH ont utilisé le terme « psychédéliques » pour désigner plus largement les drogues hallucinogènes, quel que soit le type de substance.

Compte tenu de cette proximité, certaines substances psychédéliques les plus courantes (drogues et breuvages traditionnels) comprennent le DMT, l’ayahuasca, la kétamine, le LSD, la MDMA et la psilocybine, selon l’Association médicale psychédélique.

Pourquoi tant de défis pour les thérapies psychédéliques ?

Des pas en avant, des pas en arrière, beaucoup d’hésitations encore…

Bien que les recherches suggèrent que certaines substances psychédéliques aient des bienfaits curatifs potentiels, aux USA comme en Europe, scientifiques, législateurs et organismes de santé ne sont pas encore sûrs de leur efficacité et de leur sécurité pour traiter des patients.

Après l’interruption de plusieurs décennies dans la recherche psychédélique, il est indispensable de maintenir un équilibre entre le regain d’intérêt pour ces substances et la rigueur scientifique.

  • Les produits psychédéliques restent illégaux pour la plupart aux USA. La kétamine, un psychédélique non classique, est la seule substance approuvée par la U.S. Food and Drug Administration (FDA) pour être utilisée comme traitement de la dépression.
  • Certains États américains, comme l’Oregon et le Colorado ont légalisé la psilocybine, connue sous le nom de « champignons magiques », à des fins thérapeutiques et les États de Washington et de New York ont récemment proposé une législation pour le faire.
  • En juin 2023, la FDA a publié un projet de lignes directrices pour la recherche concernant l’utilisation des médicaments psychédéliques comme traitement potentiel de troubles psychiatriques ou liés à la consommation de substances addictives. Mais un an plus tard, en août 2024, l’organisme a refusé l’utilisation de la MDMA pour le traitement du trouble de stress post-traumatique (TSPT), n’étant pas convaincu que les avantages surpassaient les risques.

L’américain Charles Grob, chercheur et professeur de psychiatrie et de sciences du comportement au Lundquist Institute de Los Angeles, reconnait avoir encore beaucoup à apprendre et de travail à mener pour rattraper le temps perdu.

Des recherches rigoureuses et approfondies sont nécessaires pour évaluer les risques et les avantages des thérapies psychédéliques pour la population et des problèmes de santé bien identifiés, avec des doses précises de ces substances.

Comment engager une thérapie psychédélique ?

Aux USA : en dehors des essais cliniques, quelques états autorisent l’usage de la kétamine ou de la psilocybine, sous la supervision indispensable d’un thérapeute qualifié ou médecin psychiatre, afin de contrôler les risques potentiels. Ce praticien expérimenté doit examiner à l’avance le patient pour s’assurer qu’il est à même de recevoir un tel traitement et qu’il est préparé à l’expérience qu’il va vivre.

En France : le parcours de thérapie psychédélique est complexe et en mutation constante. Les substances sont toujours classées comme stupéfiants et sont interdites de production, vente et consommation. Le cadre réglementaire n’est pas clair pour autoriser leur utilisation dans un contexte thérapeutique. La situation pourrait évoluer dans les prochaines années si les recherches sont concluantes.

Quels sont les bénéfices potentiels des thérapies psychédéliques ?

Beaucoup de psychotropes sont encore en phase d’essais cliniques (ou pas encore) et n’ont pas été étudiés sur de vastes populations.

En conséquence, les chercheurs émettent des hypothèses à ce stade et ont identifié 5 cas possibles de traitement :

  1. Dépression résistante aux traitements

La FDA a approuvé la kétamine pour la dépression résistante au traitement.

Elle peut être administrée seule, mais le plus souvent avec des formes conventionnelles de psychothérapie ou d’autres médicaments. Une analyse publiée dans le journal Lancet Psychiatry en 2018 relève qu’environ la moitié des patients ne répondent pas aux traitements antidépresseurs et, s’ils y répondent, ces médicaments pourraient mettre des semaines ou des mois à avoir un effet.

La kétamine, en revanche, peut agir presque immédiatement. En mars 2020, Psychiatry Investigation a révélé que les personnes atteintes d’un trouble dépressif majeur (TDM) peuvent ressentir les effets antidépresseurs possibles de la kétamine dans les heures suivant une perfusion (pratique légale non approuvée par la FDA pour le TDM) et quelques minutes après l’administration par voie intranasale d’esketamine (approuvée par la FDA pour le TDM).

La kétamine diminue les idées suicidaires chez les personnes atteintes de TDM, l’une des principales causes de décès. Malgré certains effets secondaires associés au traitement (tension artérielle élevée), ce soin est généralement bien toléré et les problèmes limités à la durée du traitement. Peu de choses sont connues sur ses effets à long terme, y compris le risque de dépendance potentielle.

La consommation de kétamine peut augmenter la neuroplasticité du cerveau en favorisant de nouvelles connexions neuronales et en contrecarrant les dommages créés par le stress et l’anxiété à long terme, selon une étude publiée en juin 2021 dans Biological Psychiatry.

Cela peut être bénéfique à l’apprentissage et à une guérison plus rapide. L’ajout d’une thérapie conventionnelle permet potentiellement de capitaliser sur les idées qui pourraient surgir lors d’une session psychédélique. La kétamine pourrait apporter une perspective différente sur les obstacles à la guérison.

La neuroplasticité accrue par la kétamine peut encourager l’exécution d’activités thérapeutiques conventionnelles, comme le développement de relations ou de loisirs freiné par la dépression, à la base d’une meilleure qualité de vie. Ces bienfaits sont confirmés par une petite étude publiée en avril 2021 dans le Journal of Affective Disorders Reports.

Bien que la thérapie à base de kétamine ne soit pas efficace pour tout le monde, elle peut transformer la vie de certains.

  1. Trouble post-traumatique

L’utilisation de la MDMA (3,4-méthylènediméthamphétamine, connue sous le nom d’ecstasy) pour traiter le trouble post-traumatique était proche de l’approbation clinique, mais la FDA a demandé des essais supplémentaires de phase 3 pour approfondir la sécurité et l’efficacité, ce qui pourrait prendre plusieurs années.

Un des essais de phase 3 antérieurs, publié en mai 2021 dans Nature Medicine, a comparé la thérapie assistée par MDMA avec un traitement placebo : 67 % des participants du groupe MDMA ne répondaient plus aux critères diagnostiques du stress post-traumatique, comparativement à 32 % des patients du groupe placebo après trois séances.

33 % des participants du groupe MDMA pour seulement 5 % des participants du groupe placebo ont satisfait aux critères de rémission.

Les auteurs de l’essai clinique ont constaté que la MDMA était associée à une diminution des symptômes de la dépression et que le traitement était généralement sans danger et bien toléré, même chez les participants présentant des comorbidités (dépression, antécédents de troubles liés à l’alcool et à la consommation de drogues, traumatisme dans l’enfance). Ils ont suggéré que la MDMA pourrait aider les gens à traiter le traumatisme d’une manière émotionnellement plus soutenue (moins de honte et plus de bienveillance envers eux-mêmes).

Des essais cliniques plus approfondis sont nécessaires pour faire avancer l’approbation de la FDA.

  1. Addictions

Le taux de réussite pour arrêter de fumer ou de consommer de l’alcool n’est pas élevé.

En effet, moins de 1 adulte fumeur sur 10 est capable d’arrêter chaque année, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux USA (CDC). Moins de 10 % des personnes présentant un trouble de consommation d’alcool ont reçu un traitement au cours de la dernière année, selon l’Institut national américain sur l’abus d’alcool et l’alcoolisme.

Mais la psilocybine, ou « champignons magiques », pourrait être une option de traitement pour ces types  d’abus de substances, selon une étude publiée en juin 2022 par Disruptive Psychopharmacology.

Dans une étude publiée dans JAMA Psychiatry en octobre 2022, des participants ont reçu de la psilocybine deux fois accompagnée de psychothérapie. Ils ont été suivis pendant 32 semaines et ont atteint un taux de 9,7 % de jours de forte consommation d’alcool.

Comparativement, le groupe témoin a enregistré 23,6 % de jours de forte consommation d’alcool.
Les personnes du groupe psilocybine ont bu moins d’alcool que le groupe placebo les jours où elles buvaient beaucoup. La façon dont la psilocybine peut affecter la consommation d’alcool reste incertaine et d’autres recherches sont nécessaires.

Dans une autre petite étude, 15 fumeurs ont reçu deux à trois doses modérées à élevées de psilocybine accompagné d’une thérapie cognitivo-comportementale. Après un suivi de 12 mois, les deux tiers des patients avaient cessé de fumer et beaucoup ont considéré leur expérience en thérapie psychédélique comme l’une des plus « significatives sur le plan personnel et spirituel » de leur vie.

Des recherches sont nécessaires sur des groupes plus importants pour déterminer si et comment la psilocybine peut avoir un impact sur le désir de consommer du tabac.

En plus de la psilocybine comme traitement possible des dépendances, une recherche distincte publiée par le Journal of Substance Abuse Treatment en juillet 2022 a rapporté des études de cas sur l’ibogaïne (dérivée d’un arbuste d’Afrique de l’Ouest) et le 5-MeO-DMT (trouvé dans de nombreuses espèces végétales) : ces substances peuvent être efficaces pour traiter l’addiction à l’alcool.

Une autre preuve, publiée dans Current Neuropharmacology en février 2019, suggère qu’une expérience d’ayahuasca peut réduire la consommation d’alcool, de cocaïne et de tabac.

  1. Détresse liée à une maladie mortelle

Un tiers des malades du cancer ressentent une forte anxiété et un état dépressif qui peuvent accroître le risque de décès et de suicide.

Certaines personnes déclarent être incapables de faire face, se sentent piégées, désespérées et expriment avoir perdu le sens de leur vie. La thérapie psychédélique peut provoquer une sorte d’expérience psycho-spirituelle et apporter du réconfort à une personne confrontée à un diagnostic sévère ou fatal.

La psilocybine peut réduire la dépression et l’anxiété en fin de vie. Une autre étude publiée dans le Journal of Psychopharmacology a examiné l’effet de la psychothérapie assistée par psilocybine chez les patients atteints d’un trouble psychiatrique lié au cancer. Les résultats suggèrent que la psychothérapie aidée de la psilocybine pourrait potentiellement offrir un soulagement à la dépression, au désespoir, à la perte de moral liés au cancer.

  1. Récupération de troubles alimentaires

Le traitement des troubles de l’alimentation peut être un défi.

Des recherches émergentes suggèrent que la thérapie psychédélique pourrait être utile dans le processus de récupération.

Dans un essai randomisé, contrôlé par placebo,  publié dans le Journal of Psychiatric Research en mai 2022 sur des adultes atteints de troubles alimentaires et de troubles post-traumatiques sévères, trois séances de huit heures de psychothérapie assistée par MDMA (durant lesquelles les participants ont été soutenus dans le traitement de leurs traumatismes) et trois sessions d’intégration de 90 minutes par séance de prise de MDMA, espacées d’une semaine , ont entraîné une diminution des symptômes du trouble alimentaire par rapport à un groupe témoin ayant reçu une thérapie et un placebo.

Les auteurs reconnaissent qu’ils ne savent pas encore pourquoi la MDMA pourrait aider, mais ils suggèrent que la substance hallucinogène pourrait diminuer l’anxiété et augmenter le comportement pro-social.

Il est également possible que la thérapie assistée par substance psychédélique aide au traitement des troubles de l’alimentation en réglant des causes sous-jacentes comme l’anxiété, la dépression ou l’abus de substances.

Bien que potentiellement prometteurs, certains experts encouragent à aborder ce type de thérapies avec prudence en raison des limites des recherches actuelles.

Il faut notamment établir des dosages selon le poids des patients et surveiller leur santé cardiovasculaire, en particulier à long terme. Comme la psychothérapie est souvent un élément essentiel du traitement psychédélique, il faudra probablement élaborer des programmes spécialisés pour les troubles de l’alimentation afin que le traitement soit à la fois efficace et sûr.

5/5 - (40 votes) Avez-vous trouvé cet article utile?
* PRESSE SANTÉ s'efforce de transmettre la connaissance santé dans un langage accessible à tous. En AUCUN CAS, les informations données ne peuvent remplacer l'avis d'un professionnel de santé.
Photo de Aline Legrand

Aline Legrand

Ma passion : Les plantes et de la naturopathie, une discipline qui vise à favoriser la santé et le bien-être par des méthodes naturelles.

Ces articles pourraient vous intéresser