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Pourquoi attrape t-on un rhume ou une grippe par temps froid ?

L'automne et l'hiver sont associés à une incidence plus élevée des infections des voies respiratoires supérieures, comme le rhume et la grippe. Voici pourquoi.

Marie Desange
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Une nouvelle recherche explique le mécanisme qui explique pourquoi nous sommes plus enclins à attraper un rhume ou une grippe en hiver. L’automne et l’hiver sont associés à une incidence plus élevée des infections des voies respiratoires supérieures, comme le rhume et la grippe, en raison de la transmission accrue des virus respiratoires. Bien que des températures plus fraîches et une faible humidité soient associées à une sensibilité accrue aux virus respiratoires, les mécanismes biologiques qui sous-tendent cette relation ne sont pas compris.

Une étude récente a montré que les températures froides entraînent une diminution de la réponse immunitaire aux virus déclenchée par les cellules de la cavité nasale, ce qui explique pourquoi les gens sont plus sensibles aux infections des voies respiratoires supérieures par temps froid. Les scientifiques ont tenté d’expliquer les mécanismes biologiques qui sous-tendent l’incidence accrue des rhumes et de la grippe en hiver. Une étude publiée dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology décrit un mécanisme dans le nez qui pourrait expliquer la susceptibilité accrue aux infections des voies respiratoires supérieures en hiver.

Le nez : Une porte d’entrée pour les virus ?

Des études antérieures ont révélé que l’une des composantes de la réponse immunitaire contre les virus respiratoires implique la libération d’essaims de particules liées à la membrane, appelées vésicules extracellulaires (EVs), par les cellules qui tapissent la cavité nasale. Les VE sont des particules liées à la membrane qui peuvent transporter une cargaison d’ADN, d’ARN et de protéines. Elles sont libérées par la plupart des types de cellules et contribuent à produire une réponse antivirale. Les miARN, un type d’ARN, ne codent pas pour des protéines mais peuvent réguler l’expression de gènes cibles.

Dans le nez, les VE peuvent empêcher les virus de se lier à des cellules non infectées ou de transférer leur cargaison à des cellules non infectées et de moduler leur réponse immunitaire. Dans l’étude actuelle, les températures hivernales ont entraîné une baisse des températures, de 37 degrés Celsius à 32 degrés Celsius, dans la cavité nasale, ce qui a affaibli cette réponse immunitaire. Plus précisément, cette baisse de température de 5 degrés à l’intérieur de la cavité nasale a atténué la libération des VE et la réponse antivirale médiée par ces VE, ce qui explique la susceptibilité accrue aux rhumes courants en hiver.

L’auteur principal de l’étude, le Dr Benjamin Bleier, de la Harvard Medical School, explique : « Nous avons constaté que cette goutte réduisait considérablement cette réponse immunitaire innée dans le nez, diminuant non seulement la quantité de vésicules extracellulaires qui essaimaient le virus, mais aussi leur qualité. Cette réponse réduite peut rendre le virus plus apte à se coller aux cellules nasales et à les infecter, où il peut ensuite se diviser et provoquer l’infection. »

Ces résultats offrent l’une des premières véritables explications mécanistes et biologiques de la raison pour laquelle les gens sont plus susceptibles d’attraper des rhumes et d’autres virus qui causent des infections des voies respiratoires supérieures par temps frais.

 

Températures plus fraîches et réponse immunitaire

Des études antérieures ont déjà montré que les infections des voies respiratoires supérieures, notamment le rhume et la grippe, sont plus fréquentes pendant les saisons froides. Ce phénomène a été attribué à l’augmentation de la transmission des virus des voies respiratoires supérieures en raison des changements de température et d’humidité et du comportement humain, comme le fait de passer plus de temps à l’intérieur. Cependant, des études plus récentes suggèrent que les températures froides pourraient émousser la réponse immunitaire déclenchée par les voies respiratoires supérieures contre ces virus, entraînant une plus grande sensibilité aux infections.

En raison de sa proximité avec l’environnement extérieur, la cavité nasale est plus sensible aux changements de température ambiante que le reste du corps, y compris les poumons. Une étude précédente a indiqué que les rhinovirus, la cause la plus courante des infections des voies respiratoires supérieures, peuvent se répliquer plus efficacement à des températures plus basses dans la cavité nasale qu’à des températures plus élevées.
L’étude a également révélé que les cellules infectées qui tapissent la cavité nasale produisent une réponse immunitaire plus modérée à 33 degrés Celsius qu’à 37 degrés Celsius. Cependant, les mécanismes qui relient les changements de facteurs environnementaux à une sensibilité accrue au rhume ne sont pas bien compris. Dans la présente étude, les chercheurs ont examiné comment les changements de température pouvaient moduler la réponse immunitaire déclenchée par les voies respiratoires supérieures.

Rôle des vésicules extracellulaires

La cavité nasale est tapissée de la muqueuse nasale ou membrane muqueuse qui sécrète du mucus. La muqueuse nasale est le premier site de contact avec les microbes respiratoires inhalés et joue un rôle essentiel dans la protection contre les infections. La muqueuse nasale peut empêcher physiquement l’entrée des microbes et sécréter des molécules aux propriétés antimicrobiennes dans le mucus. Les cellules épithéliales nasales, qui font partie de la muqueuse, expriment également à leur surface des récepteurs de type Toll (TLR), qui peuvent activer la réponse immunitaire innée.

La réponse immunitaire innée constitue la première ligne de défense contre les agents pathogènes et n’est pas spécifique. Les TLR peuvent reconnaître des motifs structurels dans les toxines ou les protéines microbiennes et déclencher une réponse immunitaire en stimulant la production de protéines immunitaires. Dans des études antérieures, les auteurs de la présente recherche ont montré que l’activation du TLR4, un type de récepteur de type péage activé par des toxines bactériennes, peut stimuler la libération d’un essaim de VE.

Dans leur recherche, ils ont constaté que l’activation des récepteurs de type péage entraîne la libération d’EVs qui déclenchent une réponse défensive contre les bactéries pathogènes. Ces VE peuvent transporter des protéines capables de se lier aux microbes et de les neutraliser. En outre, elles peuvent transmettre leur cargaison à des cellules voisines ou plus éloignées pour renforcer la réponse immunitaire.

 

Effets antiviraux

Les auteurs de l’étude ont d’abord caractérisé le rôle des VE produites lors de l’activation des TLR dans la médiation d’une réponse immunitaire contre les virus respiratoires.Ils ont mené ces expériences en utilisant des cellules épithéliales nasales humaines cultivées en laboratoire. Pour examiner si les VE sont libérées en réponse aux virus respiratoires, les chercheurs ont stimulé le TLR3, un récepteur de type péage qui est spécifiquement activé par l’ARN viral. Ils ont stimulé TLR3 en utilisant de l’acide polyinosinique:polycytidylique (poly I:C), une substance qui ressemble à l’ARN viral.

La stimulation de TLR3 a augmenté la sécrétion de VE par les cellules épithéliales nasales. Les chercheurs ont ensuite isolé et purifié ces VE stimulées par TLR3 et testé leur activité antivirale contre trois virus respiratoires courants – les rhinovirus RV-1B et RV-16, et le coronavirus CoV-OC43. Les chercheurs ont constaté que l’exposition aux VE isolées stimulées par TLR3 supprimait l’infection de cellules épithéliales nasales humaines en culture par ces virus respiratoires.

Cargaison antimicrobienne

En marquant les VE avec une étiquette fluorescente, les chercheurs ont constaté que les VE isolées stimulées par TLR3 étaient internalisées par d’autres cellules épithéliales nasales qui n’avaient pas été exposées au poly I:C. En d’autres termes, la cargaison transportée par les VE isolées était une cargaison antimicrobienne.

En d’autres termes, la cargaison transportée par ces VE pouvait atteindre des cellules non infectées. Les chercheurs ont constaté que les VE stimulées par TLR3 présentaient des niveaux plus élevés de six microARN que les VE provenant de cellules non stimulées. Il a notamment été démontré que l’un de ces six microARN, miR-17, supprime la réplication virale. En outre, la régulation à la baisse des niveaux de miR-17 dans les VE a réduit l’activité antivirale des VE stimulées par TLR3 contre les cellules épithéliales nasales humaines infectées par l’un des trois virus du rhume. Cela montre que la cargaison de miRNA transportée par les VE stimulées par TLR3 a été transférée à d’autres cellules, où elle a contribué à générer une réponse antivirale.

Récepteurs de surface

Des études antérieures ont également montré que les VE peuvent exprimer les récepteurs de surface des cellules qui sont utilisés par les virus pour entrer dans la cellule. Les récepteurs exprimés peuvent agir comme des leurres et réduire le nombre de particules virales qui peuvent ensuite infecter les cellules.

Dans la présente étude, les protéines des récepteurs de surface impliqués dans l’entrée des rhinovirus RV-1B et RV-16 étaient plus abondantes dans les VE stimulées par TLR3 que dans les vésicules non stimulées. De plus, l’incubation des VE stimulées par TLR3 avec le RV-1B et le RV-16 a réduit la capacité de ces virus à infecter les cellules épithéliales nasales humaines. Les chercheurs ont également constaté que ces virus respiratoires interagissaient directement avec les récepteurs de la surface cellulaire exprimés par les VE stimulées par TLR3. Ces résultats suggèrent que l’expression de ces récepteurs de surface cellulaire par les EVs a potentiellement empêché le virus d’infecter ensuite d’autres cellules.

Impact des températures ambiantes froides

Les chercheurs ont ensuite examiné l’impact des températures ambiantes froides sur cette réponse immunitaire antivirale médiée par les VE. Ils ont d’abord utilisé l’endoscopie pour évaluer les changements de température à l’intérieur de la cavité nasale d’individus sains en réponse aux températures froides généralement observées en hiver. Une baisse de la température ambiante de 23,3 degrés Celsius à 4,4 degrés Celsius était associée à une baisse de la température à l’intérieur de la cavité nasale d’environ 5 degrés Celsius.

Les chercheurs ont simulé cette baisse de 5 degrés Celsius de la température intranasale en laboratoire en cultivant des cellules de la muqueuse nasale humaine à 32 degrés Celsius au lieu de 37 degrés Celsius.
L’abaissement de la température a réduit la libération des VE en réponse à la stimulation du TLR3. Les explants de tissu de la muqueuse nasale humaine, qui sont des morceaux de tissu nasal et non des cellules cultivées en laboratoire, ont également montré une baisse similaire de la sécrétion d’EVs à 32 degrés Celsius par rapport à 37 degrés Celsius.

L’incubation des cellules épithéliales nasales à 32 degrés Celsius a également réduit l’abondance du miR-17 dans les VE libérées après la stimulation par TLR-3. De plus, l’abaissement de la température a réduit l’expression des protéines réceptrices de surface sur les EVs stimulés par TLR3 qui pourraient servir de leurres. Ainsi, l’exposition à des températures ambiantes plus fraîches peut atténuer non seulement la libération des VE stimulées par TLR3 par les cellules épithéliales nasales mais aussi réduire l’abondance des miRNA antiviraux emballés et l’expression des protéines de surface des cellules par les VE.

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