Nutrition

Hommes: l’alimentation protège la prostate du pire

Hélène Leroy

Une étude préclinique montre que les gras saturés de l’alimentation stimulent les cellules cancéreuses de la prostate et pourraient contribuer à la formation de métastases incurables.

Avec 71 000 nouveaux cas estimés par an en France, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Plus d’un homme sur neuf déclarera un cancer de la prostate au cours de sa vie, mais rarement avant 50 ans (âge moyen du diagnostic: 71 ans).

Fort heureusement, ces cancers évoluent en général très lentement et ne représentent pas une cause majeure de mortalité à court terme. Autrement dit, même après un diagnostic de cancer de la prostate, les hommes ont plus de risque de mourir d’autres maladies chroniques associées au vieillissement (maladies cardiovasculaires, diabète) que de ce cancer.

Lorsque le cancer bénin de la prostate devient métastatique

La situation est cependant beaucoup moins rose lorsque le cancer de la prostate devient agressif et forme des métastases. Chez ces patients, les ressources thérapeutiques actuelles ne permettent pas de contrer la progression du cancer et la maladie est invariablement fatale.

L’incidence de cancers de la prostate métastatique est beaucoup plus élevée dans les pays occidentaux que dans les pays asiatiques, ce qui suggère que certains facteurs associés au mode de vie contribuent à l’agressivité du cancer de la prostate. Parmi ceux-ci, plusieurs observations ont suggéré que l’alimentation occidentale, caractérisée par un apport élevé en aliments transformés riches en gras saturés (comme dans le fast food et les plats transformés) pourrait représenter un de ces facteurs.

Par exemple, l’incidence de ce cancer est multipliée par 20 quand les Japonais migrent du Japon en Occident, avec le changement draconien du mode de vie et de l’alimentation, associé à cette migration.

Les cellules cancéreuses prostatiques produisent du gras saturé

Cette hypothèse vient d’être étayée par les résultats d’une étude préclinique réalisée par un groupe de scientifiques de l’Université Harvard. En comparant le profil génétique d’échantillons de cancers de la prostate localisés (non invasif) à celui provenant de cancers métastatiques invasifs, ils ont tout d’abord observé que la majorité des métastases avaient perdu deux gènes connus pour empêcher
la croissance des tumeurs, soit PTEN et PML. Ces pertes génétiques sont vraisemblablement capitales pour la progression du cancer de la prostate en métastases, car l’analyse de tissus prostatiques prélevés chez les patients montre une étroite corrélation entre l’absence de ces deux gènes et les décès causés par des métastases prostatiques.

Une conséquence inattendue de la perte de ces deux gènes est une forte augmentation de la production de gras par les cellules cancéreuses. Le groupe de recherche a en effet observé que les cellules cancéreuses prostatiques dépourvues de PTEN et de PML sont caractérisées par une hyperactivation du métabolisme des lipides, avec notamment une hausse importante de la production de gras saturés. Ces gras sont impliqués dans la progression des cancers de la prostate, car l’ajout d’un inhibiteur de la synthèse des lipides (fatostatine) diminue drastiquement la formation de métastases dans des modèles précliniques.

Le gras saturé déclenche la formation de métastases

Cette participation des gras saturés à la progression du cancer de la prostate en métastases ne semble pas se limiter aux gras produits par les cellules cancéreuses elles-mêmes. En utilisant des souris transgéniques dans lesquelles les gènes PTEN et PML avaient  été éliminés, les auteurs de l’étude ont remarqué que les tumeurs prostatiques ne formaient que peu de métastases lorsque les animaux mangeaient leur nourriture habituelle, faible en gras et composée principalement de végétaux.

Par contre, lorsque du saindoux (une riche source de gras saturés) est ajouté à ce régime, ils ont observé que les cellules cancéreuses accumulaient de grandes quantités de gras saturés et que cette accumulation était corrélée avec une hausse marquée du nombre de métastases.

Une alimentation faible en gras saturés recommandée

Autrement dit, la présence de grandes quantités de gras saturés dans l’alimentation agit comme une sorte de « déclencheur » qui favorise l’agressivité des cellules cancéreuses prostatiques et induit la formation de métastases.

Pour les hommes atteints d’un cancer de la prostate peu invasif, une alimentation faible en gras saturés, par exemple en limitant la consommation d’aliments industriels transformés, pourrait donc permettre d’empêcher l’évolution du cancer en métastases et ainsi d’éviter de mourir prématurément des suites de cette maladie.

Source

Epstein MM et coll. Temporal trends in cause of death among swedish and US men with prostate cancer. J. Natl Cancer Inst. 2012 ; 104: 1335-1342.

Chen M et coll. An aberrant SRE- BP-dependent lipogenic program promotes metastatic prostate cancer. Nature Genet. 2018 ; 50 : 206-218.

 

 

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