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Scandale du Lévothyrox: une action collective en justice contre l’ANSM

Une action collective en justice ouverte contre l'Agence Nationale de la Sécurité du Médicament (ANSM) dans l'affaire du Lévothyrox

Francois Lehn

A l’occasion d’une conférence de presse organisée le 14 Septembre, Maître Christophe Leguevaques, avocat au barreau de Paris, a annoncé l’ouverture d’une action collective en justice contre l’Agence Nationale de la Sécurité du Médicament (ANSM) dans l’affaire du Lévothyrox. En France, 3 millions de personnes qui souffrent de problèmes thyroïdiens utilisent quotidiennement du Lévothyrox, un générique ou un médicament concurrent.

Le scandale du Lévothyrox ne date pas d’hier. Il remonte à 2017. A cette époque, le laboratoire Merck avait le monopole de la vente du médicament contre les problèmes de thyroïde contenant de la levothyroxine, le principe actif. La lévothyroxine est à « marge thérapeutique étroite ». C’est à dire que non seulement pour être efficace il doit être à un dosage très précis mais qu’en dehors de ce dosage, il devient dangereux et déclenche des effets secondaires indésirables ou graves. Dans le cas de la thyroïde les mauvais dosages peuvent entraîner soit une grande fatigue et un sentiment de profond abattement soit au contraire une hyper-activité. Dans certains cas, la mort.

Jusqu’en 2017, le laboratoire Merck fabriquait ce médicament avec un excipient bien connu: le lactose. Tout à coup, pour des raisons visiblement commerciales et pour uniformiser sa production en vue du marché Chinois qui n’aime pas le lactose, le laboratoire décide de changer d’excipient et le remplace par du sorbitol. En raison de cette modification de la composition sur ce médicament sensible, le laboratoire est obligé de soumettre une nouvelle demande d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et envoie un dossier complet, plus de 2000 pages, à l’autorité qui la délivre, l’ANSM. Jusque là tout va bien.

Lévothyrox: les malfaçons du dossier de demande d’AMM

Mais voilà, le dossier comporte des malfaçons. La première et la principale qui aurait due retenir l’attention de l’ANSM est que normalement, ce genre de médicament est évalué sur 12 à 20 personnes. Les courbes indiquant l’efficacité du médicament doivent être uniformes pour valider la qualité thérapeutique du médicament et ne pas varier avec de grandes amplitudes d’un patient à l’autre. Dans le cas du nouveau dossier, ce n’est pas avec 20 mais avec 200 personnes que les tests ont été fait.

Pourquoi? C’est qu’il a fallu atteindre ce nombre de patients pour pouvoir lisser les courbes de telle sortes qu’elles soient parfaitement identiques à celles du dossier du Lévothyrox original. Sur seulement 20 personnes avec la nouvelle formule, les amplitudes de courbes n’auraient pas permis la délivrance de l’AMM. Si l’on prends le dossier et que l’on regarde cas par cas nous dit l’avocat, les résultats ne concordaient pas dans 2 cas sur 3, d’où la nécessité de lisser sur 200 cas.

Par ailleurs, deuxième anomalie, le dosser de 2000 pages a été envoyé dans un format « image » et non « texte ». Erreur ou bidouillerie du laboratoire? Le fait est que ce format rendait les recherches dans le dossier de 2000 pages beaucoup plus difficile aux experts de l’ANSM. Qui de leur côté, n’ont pas pris la peine de renvoyer le document pour le redemander, cette fois mis dans un format usuel dans ce genre de demande qui permet de rechercher facilement des tableaux, des courbes, des statistiques et de comparer.

ANSM: les fautes commises qui justifient une action commune

Ces erreurs de l’ANSM lui valent aujourd’hui une action collective en justice de la part des patients qui ont eu à pâtir dans leur santé et leur qualité de vie de ce manque de rigueur de l’autorité du médicament. Car en moins d’un an, ce sont plus de 500 000 personnes qui ont du, en urgence, chercher d’autres médicaments aux indications identiques à l’étranger. Merck ayant encore à cette date le monopole de la commercialisation de médicaments contenant de la levothyroxine en France.

Au juste, il est reproché à l’ANSM:

– d’avoir manqué à la protection des patients en ne vérifiant pas si les données du dossier étaient exactes
– d’avoir manqué d’anticipation. Car toute modification dans la composition de la formule de ce genre de médicament entraine inévitablement des effets secondaires plus ou moins graves chez 10 à 15% des patients
– d’avoir ignoré, voir méprisé, la parole des patients qui se plaignaient d’effets secondaires inhabituels, préférant la parole rassurante des experts médicaux consultés qui, eux, ne voyaient pas de différence.

Enregistrer sa plainte sur une plateforme dédiée aux actions collectives pour 120€

Si des actions en justice sont déjà en cours contre Merck et l’ANSM, cette fois, la possibilité est offerte aux victimes d’unir leur voix dans une action collective. C’est une formule assez nouvelle en France. Concrètement, si vous avez été victime, vous pouvez vous inscrire sur le site https://myleo.legal/fr/ (contraction de : my legal office) pour la somme de 120€ et votre plainte est enregistrée. Cette formule collective a la première vertu de baisser les frais de justice, car, sinon, dans ce genre d’affaire, ils s’élèvent à plusieurs milliers d’euros. D’autre part, la plaidoirie sera orientée vers la réparation des « préjudices moraux ». Ce motif de plainte permet d’uniformiser la demande de réparation qui sera fixée, pour chaque victime, à 15 000€ si l’ANSM est reconnue coupable pour ses manquements.

Le délai d’inscription s’étends d’aujourd’hui jusqu’au 15 novembre, date de cloture des inscriptions.

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