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Médecine douce

Immunité des enfants : le « sale » leur fait du bien

Hélène Leroy

L’exposition des enfants tôt dans leur vie aux bactéries de l’environnement est essentielle au développement du système immunitaire et joue du même coup un rôle capital dans la prévention de plusieurs maladies auto-immunes comme le diabète de type i, l’asthme et les allergies.

Les maladies auto-immunes sont causées par des dérèglements du système immunitaire: au lieu de se limiter à défendre le corps des agressions extérieures, comme c’est normalement le cas, l’immunité s’attaque plutôt au corps humain lui-même. Cette erreur de cible a évidemment de graves conséquences et peut mener au développement d’un grand nombre de pathologies, incluant le diabète de type I, les maladies inflammatoires de l’intestin, le lupus, l’asthme ou encore les allergies.

L’incidence des maladies auto-immunes était en forte augmentation au cours des dernières années et plusieurs scientifiques ont émis l’hypothèse que cette hausse pourrait être liée à la diminution draconienne des microbes présents dans notre milieu de vie. Selon cette théorie, appelée «hypothèse de l’hygiène», l’amélioration constante des conditions sanitaires diminue notre exposition aux différents microbes de l’environnement et fait en sorte que l’immunité n’est pas en contact avec suffisamment de micro-organismes pour bien apprendre son rôle et distinguer adéquatement ce qui est dangereux (les pathogènes provenant de l’extérieur) de ce qui ne l’est pas (le corps humain en tant que tel).

En ce sens, il est intéressant de noter que les enfants qui grandissent dans un milieu riche en microbes, comme une ferme, sont beaucoup moins touchés par l’asthme et les allergies. Les facteurs responsables de cette protection demeurent mal compris, mais il est probable que le microbiote intestinal, c’est-à-dire la communauté de bactéries présentes au niveau de l’intestin, joue un rôle important, car plusieurs études suggèrent que ces bactéries sont essentielles au fonctionnement adéquat de l’immunité.

Le niveau de vie augmente et l’immunité baisse

Pour mieux comprendre ce phénomène, des savants ont eu l’idée d’étudier la composition du microbiote de trois populations qui vivent très près l’une de l’autre (Finlande, Carélie russe et Estonie), mais qui présentent néanmoins des incidences très différentes de maladies auto-immunes. La Finlande et la République russe de Carélie sont en effet collées l’une sur l’autre du point de vue géographique, mais l’incidence d’allergies et de diabète de type I est jusqu’à six fois plus élevée en Finlande. L’Estonie, quant à elle, est située dans la même région et avait jusqu’à tout récemment une incidence de maladies auto-immunes similaire à la Carélie, mais l’industrialisation et l’amélioration du niveau de vie ont entraîné une hausse d’incidence de ces maladies, maintenant similaire à celle de la Finlande.

L’utilisation abusive d’antibiotiques affaibli l’immunité des enfants

Pour réaliser l’étude, les scientifiques ont récolté chaque mois pendant trois ans des échantillons de selles auprès de plus de 200 enfants nés à Espoo (Finlande), Petrozavodsk (Carélie) et Tartu (Estonie). La composition bactérienne de ces selles a été analysée par séquençage génétique et l’état de santé général des enfants, déterminé en parallèle à l’aide d’un questionnaire très détaillé.

Les scientifiques ont tout d’abord observé que la composition bactérienne des microbiotes était très différente selon le lieu de naissance: la flore intestinale des enfants fin- landais et estoniens était dominée par les espèces Bacteroides, tandis que celle des enfants de Carélie en Russie était principalement composée de Bifidobactéries.

Cette différence a certainement d’importantes conséquences pour le développement du système immunitaire, car les chercheurs ont observé que l’activité immunitaire du microbiote enrichi en Bacteroides était anormalement faible comparativement à celui enrichi en Bifidobactéries.

En d’autres mots, il semble que les conditions sanitaires associées au mode de vie moderne favorisent la présence accrue de certaines bactéries chez les enfants finlandais et estoniens (Bacteroides) et que ces bactéries empêchent le système immunitaire de se développer normalement. À l’inverse, le microbiote des enfants russes est plus représentatif de celui que nous avons développé au cours de l’évolution de l’espèce humaine et permet par conséquent un développement optimal de l’immunité.

Ces résultats nous rappellent que malgré ses répercussions généralement positives dans nos vies, l’amélioration des conditions sanitaires a aussi un impact négatif sur la diversité de la flore intestinale.

Il ne s’agit pas de revenir en arrière, loin de là, mais de tenir compte de ces observations pour diminuer autant que possible cet effet négatif. Un des aspects les plus importants est de limiter, quand cela est possible, l’utilisation d’antibiotiques, qui ont un effet dévastateur sur la flore intestinale, d’autant plus qu’ils sont souvent totalement inutiles, car l’infection qu’ils sont censés soigner est provoquée par des virus (qui sont insensibles aux antibiotiques).

La consommation abondante d’aliments d’origine végétale peut également avoir un impact majeur sur la composition de la flore intestinale, car la présence de fibres et de polyphénols alimentaires permet l’établissement d’un microbiote diversifié, composé principalement de bactéries bénéfiques.

Source

Von Mutius E et D Vercelli. Farm living: effects on childhood asthma and allergy. Nature Rev Immunol; 10: 861-8.

Vatanen T et coll. Variation in microbiome LPS immunogenicity contributes to autoimmunity in humans. Cell 2016; 165: 842-853.

 

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