Des experts alertent sur les dangers pour la santé des aliments ultra-transformés
Une série d’articles publiée dans le journal médical The Lancet montre que la place des aliments ultra-transformés explose partout dans le monde et les problèmes de santé avec

Les aliments ultra-transformés font désormais partie du quotidien. Boissons sucrées, snacks, plats tout prêts, biscuits colorés, tout cela semble pratique et abordable. Derrière cette facilité, on trouve pourtant des produits issus d’ingrédients industriels, riches en sucre, en graisses et en sel, avec beaucoup d’additifs.
Une série d’articles publiée dans le journal médical The Lancet montre que la place de ces produits explose partout dans le monde. Ils remplacent peu à peu les aliments frais, les plats faits maison et les recettes traditionnelles. Les chercheurs observent en parallèle une hausse du risque d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de dépression et de mortalité précoce.
Les experts appellent donc à des politiques publiques fortes et coordonnées, comparables à ce qui a été fait contre le tabac. Ils rappellent que la responsabilité ne repose pas seulement sur chaque personne, mais aussi sur le pouvoir des grandes entreprises et sur les règles fixées par les États. Cet article présente pourquoi les ultra-transformés posent problème pour la santé, comment l’industrie influence nos choix, quelles politiques peuvent réduire les dommages et comment chacun peut soutenir ces changements.
Que sont les aliments ultra-transformés et pourquoi ils dominent nos assiettes
Les chercheurs utilisent la classification Nova pour décrire les aliments selon leur niveau de transformation. L’idée n’est pas de faire un cours technique, mais de comprendre un principe simple. Plus un produit s’éloigne de l’aliment d’origine et plus il contient d’ingrédients fabriqués en usine, plus il a de chances d’être ultra-transformé.
Définition simple des aliments ultra-transformés (UPF) selon Nova
Les aliments ultra-transformés sont des produits industriels conçus à partir d’ingrédients bon marché et peu reconnaissables. On y retrouve souvent des huiles hydrogénées, des sirops de glucose ou de fructose, des isolats de protéines, des amidons modifiés. À cela s’ajoute une série d’additifs dits « cosmétiques » comme les colorants, les arômes, les émulsifiants, les édulcorants.
Les exemples parlent d’eux-mêmes. Sodas, boissons énergétiques, snacks salés croustillants, céréales du petit-déjeuner très sucrées, desserts lactés industriels, barres chocolatées, nuggets, plats cuisinés longue conservation, tout cela appartient en général à cette catégorie.
Ces produits sont conçus pour être pratiques, bons marché et très agréables en bouche. Ils se conservent longtemps, se transportent facilement, se consomment vite. Cette combinaison permet aux entreprises de dégager des profits importants. Leur but n’est pas seulement d’ajouter une option de plus, mais souvent de remplacer les repas composés d’aliments bruts, comme les légumes, les fruits, les céréales complètes ou les légumineuses.
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Comment les ultra-transformés ont envahi l’alimentation mondiale
Les données rassemblées par The Lancet montrent une progression rapide des ultra-transformés dans de nombreux pays. En Espagne, la part des calories issues de ces produits aurait presque triplé en quelques décennies. En Chine, elle a aussi nettement augmenté, alors que ce pays s’appuyait longtemps sur une cuisine maison. Au Mexique et au Brésil, la contribution des ultra-transformés aux apports énergétiques a également fortement progressé sur les quarante dernières années. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, ces produits représentent déjà plus de la moitié des calories consommées et ce niveau se maintient.
Cette montée s’explique par plusieurs facteurs. L’urbanisation et les longs temps de trajet réduisent le temps disponible pour cuisiner. Les ménages recherchent des produits pratiques et bon marché. Le marketing met en avant des messages de plaisir, de modernité ou de liberté. Les grandes marques se diffusent dans les supermarchés, les stations-service, les distributeurs, les plateformes de livraison. Au final, les ultra-transformés ne viennent pas seulement s’ajouter à l’offre alimentaire, ils prennent la place de repas plus simples et de préparations maison.
Pourquoi il ne s’agit pas seulement d’un problème de choix personnel
On pourrait penser qu’il suffit de faire de « bons choix » pour éviter les problèmes. Les travaux présentés dans The Lancet montrent une réalité plus complexe. Les grandes entreprises structurent l’environnement alimentaire. Elles décident ce qui est disponible, mis en avant, bon marché.
Ces multinationales investissent des budgets énormes dans la publicité, les promotions, les emballages attractifs. Elles négocient des places visibles en rayon, sponsorisent des évènements sportifs, ciblent les jeunes sur les réseaux sociaux. Pour beaucoup de familles, surtout quand le temps et l’argent manquent, ces produits deviennent la solution la plus simple et la plus accessible. Dans certains quartiers, l’accès aux aliments frais et peu transformés reste limité ou plus cher.
Dans ce contexte, la responsabilité ne peut pas reposer uniquement sur l’individu. Les experts plaident pour des politiques publiques qui rééquilibrent la situation et rendent les choix plus sains plus faciles au quotidien.
Les vrais risques des aliments ultra-transformés pour la santé
La série du Lancet rassemble une large revue de la littérature scientifique. Une analyse de 104 études de cohorte, suivies sur de longues périodes, montre que 92 d’entre elles associent une forte consommation d’ultra-transformés à un risque accru d’au moins une maladie chronique.
Les méta-analyses pointent des liens avec au moins douze problèmes de santé. Parmi eux, l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, certains troubles digestifs, la dépression, et une hausse du risque de décès toutes causes confondues. Ces résultats ne prouvent pas chaque mécanisme en détail, mais ils dessinent un tableau très cohérent.
Ce que disent les grandes études sur les ultra-transformés et les maladies
Les chercheurs observent, dans pays après pays, un schéma similaire. Plus la part des ultra-transformés dans l’alimentation augmente, plus le risque de prise de poids, de diabète, de maladies du cœur et des vaisseaux, de certains cancers, de troubles de la santé mentale et de mortalité précoce s’élève.
Il ne s’agit pas de quelques études isolées qui se contredisent. L’ensemble des travaux pointe dans la même direction générale. Les auteurs de la série soulignent que cette cohérence, observée dans de nombreux contextes, renforce la confiance dans le signal sanitaire.
Pourquoi les ultra-transformés favorisent la surconsommation et la prise de poids
Les ultra-transformés ne se contentent pas d’apporter des calories. Ils sont souvent conçus pour encourager la surconsommation. Textures fondantes, goût intense, besoin de peu de mastication, emballages faciles à ouvrir, tout est pensé pour se manger vite et sans effort.
Sur le plan nutritionnel, beaucoup de ces produits combinent grandes quantités de sucre, de graisses peu favorables et de sel, avec très peu de fibres et une teneur modérée en protéines. Ce mélange favorise une faim rapide après le repas et une consommation globale plus élevée dans la journée.
Certains additifs, comme les édulcorants ou des émulsifiants, font aussi l’objet de recherches pour leurs effets possibles sur le microbiote intestinal et le métabolisme. Tous les mécanismes ne sont pas encore clairs, mais l’ensemble de ces caractéristiques crée un environnement qui pousse à manger plus que les besoins réels du corps.
Les limites de la science… mais une urgence d’agir
Les auteurs de la série reconnaissent les limites actuelles des connaissances. Il manque encore des essais cliniques de longue durée. Les mécanismes biologiques précis sont en cours d’étude. Tous les produits ultra-transformés n’ont pas le même profil nutritionnel.
Pourtant, des chercheuses comme Mathilde Touvier rappellent que ces limites ne justifient pas l’inaction. Le volume d’indices disponibles est déjà important. Les liens répétés avec un large ensemble de maladies chroniques indiquent un risque majeur pour la santé publique. Les experts défendent une approche de précaution. Réduire l’exposition aux ultra-transformés tout en poursuivant la recherche.
Comment les grandes entreprises d’ultra-transformés influencent nos choix et les lois
Le troisième article de la série met en avant les « déterminants commerciaux de la santé ». Ce terme désigne la façon dont les décisions des grandes entreprises façonnent nos habitudes alimentaires. Les auteurs estiment que la vente de produits ultra-transformés atteint environ 1,9 billion de dollars par an au niveau mondial. Ces profits alimentent l’expansion de la production, du marketing et du poids politique de ces acteurs.
Les fabricants d’ultra-transformés versent aussi des sommes très importantes à leurs actionnaires. Cette rentabilité renforce leur influence économique et leur capacité à intervenir dans les débats publics.
Marketing agressif et omniprésent, surtout auprès des enfants
Les industriels ciblent particulièrement les enfants et les adolescents. Publicités à la télévision, vidéos en ligne, réseaux sociaux, jeux, placement de produits, personnages de dessins animés, cadeaux dans les paquets, tout sert à rendre ces produits attractifs et « cool ».
Chez un enfant, la répétition de ces messages façonne les préférences et les habitudes pour des années. Les experts demandent donc des règles plus strictes sur la publicité, surtout sur le numérique et au niveau des marques, pas seulement des produits pris isolément.
Lobbying, influence scientifique et blocage des régulations
La série du Lancet décrit aussi un ensemble de tactiques politiques. Les entreprises coordonnent des groupes d’intérêts, financent des campagnes électorales, engagent des cabinets de lobbying, lancent des actions en justice pour retarder les lois jugées trop contraignantes.
Elles soutiennent parfois des études ou des prises de parole qui minimisent les risques des ultra-transformés ou mettent l’accent uniquement sur le manque d’activité physique et la responsabilité individuelle. Les auteurs demandent de protéger les espaces de décision publique des conflits d’intérêts et de limiter les liens entre l’industrie des ultra-transformés et les institutions de santé.
Pourquoi les experts comparent la bataille des ultra-transformés à celle du tabac
Plusieurs experts, comme Karen Hoffman ou Phillip Baker, comparent la situation actuelle à l’époque où les pouvoirs publics ont commencé à encadrer le tabac. On retrouve des points communs. Progrès scientifique contesté, marketing massif, profits élevés, lobbying pour affaiblir les mesures, discours centré sur le « choix individuel ».
Les auteurs ne disent pas que les ultra-transformés sont identiques au tabac dans leurs effets. Ils affirment en revanche que la réponse de santé publique doit être tout aussi ferme et coordonnée au niveau mondial, afin de rééquilibrer le rapport de force entre santé et intérêts économiques.
Quelles politiques fortes pour réduire les dommages des aliments ultra-transformés
Le deuxième article de la série propose un ensemble cohérent de politiques. L’objectif n’est pas seulement d’informer, mais de transformer les environnements alimentaires. Il s’agit de changer ce qui est disponible, visible et abordable pour les familles.
Les pistes évoquées incluent un étiquetage plus clair, des taxes ciblées sur certains produits, des restrictions de marketing, des règles pour les écoles et les hôpitaux, des limites d’espace en magasin pour les ultra-transformés, et des subventions pour les aliments frais et peu transformés.
Étiquetage clair des ultra-transformés pour aider les familles à choisir
Des chercheurs comme Barry Popkin proposent d’ajouter sur le devant des emballages des marqueurs d’ultra-transformation. Ces marqueurs signaleraient la présence d’additifs comme les colorants, les arômes, les édulcorants ou certains émulsifiants, en complément des niveaux de sucre, de sel et de graisses saturées.
Sans ces informations, un produit peut réduire un peu le sucre ou la graisse, mais rester très ultra-transformé en jouant sur d’autres ingrédients industriels. Un étiquetage frontal clair permettrait aux familles pressées de repérer en quelques secondes les produits à limiter.
Taxes sur certains produits et subventions pour les aliments frais
De nombreux experts recommandent des taxes sur certaines catégories d’ultra-transformés, comme les sodas sucrés ou certains snacks. Les recettes pourraient financer des aides pour réduire le prix des fruits, des légumes, des légumineuses ou des céréales complètes, surtout pour les foyers à faible revenu.
L’idée est de renforcer l’équité. Il s’agit de faciliter les choix sains, pas seulement de pénaliser. Ces mesures peuvent aussi pousser les entreprises à proposer des options moins transformées.
Réguler la publicité, les écoles et les hôpitaux pour protéger les plus vulnérables
Les auteurs insistent sur plusieurs leviers clés. Restreindre fortement la publicité des ultra-transformés visant les enfants, en particulier sur les écrans et les réseaux sociaux. Limiter ou interdire ces produits dans les cantines scolaires, les hôpitaux et d’autres institutions publiques. Revoir l’implantation des produits en magasin, par exemple en réduisant la place accordée aux ultra-transformés près des caisses.
Le Brésil offre un exemple intéressant. Son programme national d’alimentation scolaire a déjà éliminé la plupart des ultra-transformés. L’objectif est d’atteindre au moins 90 % d’aliments frais ou peu transformés dans ces repas d’ici 2026. Ce type de mesure a un impact concret sur la santé des enfants, tout en envoyant un signal fort à la société.
Soutenir les systèmes alimentaires locaux et les repas faits maison
La série va au-delà de la seule question des produits. Elle décrit la nécessité d’un changement plus large des systèmes alimentaires. Soutenir les petits producteurs, les marchés de quartier, les circuits courts, préserver les recettes et traditions locales, valoriser le temps passé à cuisiner, partager les tâches de cuisine de façon plus égalitaire entre les femmes et les hommes.
Il ne s’agit pas seulement de nutrition. La question touche aussi la culture, le lien social et l’économie. L’objectif est que les bénéfices liés à l’alimentation reviennent davantage aux communautés plutôt qu’aux seuls actionnaires.
Pourquoi il faut des politiques adaptées à chaque pays
Des expertes comme Marion Nestle rappellent que la part des ultra-transformés varie fortement selon les pays. Là où ces produits représentent déjà plus de 50 % des apports énergétiques, la stratégie doit être ambitieuse pour réduire rapidement leur place. Dans les pays où la consommation reste plus faible mais augmente vite, l’enjeu est d’agir tôt pour éviter de répéter les mêmes erreurs.
Partout, un point commun existe. Il faut réguler les ultra-transformés en plus des politiques qui ciblent déjà le sucre, le sel et les graisses. Les mesures doivent être adaptées au contexte culturel, économique et social, en impliquant les communautés locales et les experts nationaux.
Que peuvent faire citoyens, professionnels de santé et décideurs dès maintenant
La responsabilité ne repose pas sur une seule catégorie d’acteurs. Les citoyens, les soignants, les associations, les élus peuvent tous jouer un rôle dans la réduction des ultra-transformés, sans culpabiliser ceux qui en dépendent encore pour des raisons de temps ou de budget.
Gestes simples pour réduire sa part d’ultra-transformés au quotidien
Chaque personne peut avancer par étapes. Cuisiner un peu plus souvent à partir de produits simples, même avec des recettes très basiques. Remplacer une partie des boissons sucrées par de l’eau, des infusions, ou des boissons moins transformées. Choisir quand c’est possible des aliments avec une liste d’ingrédients courte et compréhensible. Préparer de petites portions en avance, comme une soupe ou un plat de légumes, pour les soirs les plus chargés.
L’objectif n’est pas la perfection. Réduire peu à peu la place des ultra-transformés compte déjà pour la santé. Lire les étiquettes quelques secondes peut aider à repérer les sucres ajoutés et les longues séries d’additifs.
Comment les professionnels de santé peuvent soutenir le changement
Les médecins, infirmiers, diététiciens, pharmaciens et autres soignants ont un rôle central. Ils peuvent informer de façon claire sur les risques liés à un excès d’ultra-transformés, intégrer cette dimension dans la prévention de l’obésité, du diabète ou des maladies cardiovasculaires, donner des conseils pratiques adaptés aux contraintes de leurs patients.
Les auteurs de la série demandent aussi de réduire les liens financiers entre professionnels de santé et industrie des ultra-transformés, afin de limiter les conflits d’intérêts. Les soignants peuvent participer à des actions locales, comme des ateliers cuisine, des programmes scolaires ou des campagnes d’information sur l’alimentation.
Soutenir des politiques publiques ambitieuses et s’organiser collectivement
Une réponse durable suppose des coalitions larges. Associations de patients, ONG de santé, groupes de consommateurs, syndicats, chercheurs et collectivités locales peuvent s’unir. Les citoyens peuvent soutenir des pétitions pour un meilleur étiquetage, interpeller les élus sur la publicité ciblant les enfants, appuyer les programmes de cantines plus saines, défendre des taxes sur certains produits pour financer des aides à l’achat d’aliments frais.
Comme pour le tabac, un changement profond ne se fait pas en quelques années, mais il est possible. Une action collective, coordonnée et maintenue dans le temps peut rééquilibrer le rapport de force entre les grandes entreprises d’ultra-transformés et l’intérêt de la santé publique.
En quelques lignes
Les aliments ultra-transformés se sont imposés dans les assiettes partout sur la planète. Leur consommation élevée est liée à un large éventail de problèmes de santé, de l’obésité aux maladies cardiovasculaires, en passant par la dépression. Cette situation ne résulte pas seulement de choix personnels, mais d’un système façonné par des entreprises très puissantes qui structurent l’offre, le prix et la communication.
Une réponse forte est possible. Elle repose sur des politiques publiques ambitieuses, un meilleur accès aux aliments frais, un soutien aux systèmes alimentaires locaux et une régulation ferme des pratiques industrielles. Le combat rappelle celui contre le tabac, qui a fini par sauver des millions de vies.
Chaque personne peut contribuer à ce mouvement, par ses choix quotidiens, par son soutien aux mesures de santé publique et par son engagement citoyen. Protéger la santé de tous, en particulier celle des enfants, suppose de redonner plus de place aux aliments simples et de limiter le pouvoir des produits ultra-transformés dans notre alimentation. C’est un projet de société, et un investissement durable pour une santé publique plus solide.
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