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Perte d’audition et maladie d’Alzheimer : un signal d’alerte à ne pas ignorer

La perte d’audition n’est pas seulement une gêne sonore. C’est aussi un signal d’alerte précoce possible de la maladie d’Alzheimer

La perte d’audition est souvent vue comme un simple signe d’âge. On imagine des appareils auditifs, un son de télé un peu trop fort, quelques quiproquos en famille. Longtemps, les médecins s’en sont surtout occupés pour le confort de vie.

Aujourd’hui, le regard change. De grandes études, dont une récente menée dans le cadre du Framingham Heart Study, montrent qu’une perte d’audition, même légère, peut aussi être un signe précoce de la maladie d’Alzheimer et d’autres formes de démence.

Le but n’est pas de faire peur. Au contraire, l’enjeu est de repérer plus tôt les personnes qui cumulent des risques, afin de proposer un suivi, des aides auditives, des conseils de mode de vie, et parfois un bilan mémoire plus tôt dans la vie.

Dans cet article, nous allons comprendre le lien entre audition et cerveau, apprendre à repérer les signes, savoir quand consulter, et voir comment agir pour protéger à la fois ses oreilles et son cerveau.

Pourquoi la perte d’audition peut annoncer la maladie d’Alzheimer

Pendant longtemps, on a séparé les problèmes d’oreille et les maladies du cerveau. D’un côté les acouphènes, les otites, la presbyacousie. De l’autre côté la démence, la maladie d’Alzheimer, les troubles de la mémoire.

La recherche montre que cette séparation est trop simple. Nos oreilles et notre cerveau forment un même système. Quand le son arrive moins bien à l’oreille interne, ce n’est pas seulement l’audition qui souffre. Le cerveau doit travailler plus, se concentrer davantage, pour combler les “trous” dans le message sonore.

Des études de grande ampleur, menées sur plusieurs milliers de personnes suivies pendant plus de 10 à 15 ans, convergent. Les personnes ayant une perte auditive non corrigée présentent un risque de démence plus élevé que celles qui entendent bien. Dans l’étude de Framingham, même une perte dite “légère” s’accompagnait d’une hausse du risque de démence d’environ 70 pour cent.

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Ce lien est particulièrement marqué chez certains profils, par exemple les personnes porteuses de la variante génétique APOE ε4, connue pour augmenter le risque d’Alzheimer. Chez ces personnes, la perte d’audition semble agir comme un accélérateur sur un terrain déjà fragile.

Comment le cerveau et l’oreille travaillent ensemble

Pour comprendre ce qui se joue, il faut revenir au trajet du son. Le son entre par le pavillon de l’oreille, passe par le conduit auditif, fait vibrer le tympan, puis les petits osselets de l’oreille moyenne. Il atteint ensuite la cochlée, dans l’oreille interne, où des cellules sensorielles transforment les vibrations en signaux électriques.

Ces signaux montent par les nerfs auditifs vers plusieurs zones du cerveau. Le cortex auditif primaire décode les sons bruts, puis d’autres régions analysent la parole, le rythme, l’intonation. Pour suivre une conversation, surtout dans le bruit, le cerveau doit aussi mobiliser des zones liées à l’attention, au langage, à la mémoire de travail.

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Quand l’oreille entend moins bien, une partie du message manque. Le cerveau tente alors de compenser. Il s’appuie sur le contexte, la lecture labiale, les souvenirs récents de la conversation. Il doit deviner les mots manquants.

Cette compensation demande un effort constant. Les spécialistes parlent parfois de fatigue cognitive. Des régions habituellement dédiées à d’autres tâches se réorganisent pour soutenir l’écoute. Par exemple, une partie des ressources qui servent d’ordinaire à la mémoire peuvent être “détournées” pour mieux décoder la parole.

Sur une courte durée, cette adaptation est utile. Sur des années, elle peut peser sur le cerveau, surtout s’il existe déjà d’autres fragilités vasculaires ou neurologiques.

Ce que disent les études sur audition et démence

Plusieurs grands travaux ont suivi des adultes pendant des années, en mesurant leur audition, leur mémoire et leur cerveau par imagerie.

Les résultats se recoupent. Les personnes avec perte auditive non corrigée présentent :

une baisse plus rapide de certaines fonctions comme l’organisation, la souplesse mentale ou la gestion de tâches complexes, ce que les spécialistes regroupent sous le terme de fonctions exécutives

un volume cérébral total un peu plus faible, ce qui traduit une légère perte de tissu cérébral

une progression plus marquée des hyperintensités de la substance blanche, des petites lésions visibles à l’IRM, liées au vieillissement des vaisseaux et aux micro atteintes du cerveau

Dans l’étude de Framingham, même une perte dite “légère” augmentait le risque global de démence d’un peu plus de 70 pour cent. La plupart des cas observés étaient des démences de type Alzheimer.

Un point important ressort. La mémoire pure et les scores globaux de cognition ne sont pas toujours touchés au début. C’est plutôt la vitesse de traitement, la planification ou la capacité à suivre plusieurs informations à la fois qui déclinent. Autrement dit, l’impact se voit d’abord sur la façon de gérer la vie quotidienne, plus que sur le fait de se rappeler un mot ou un visage.

Les chercheurs ont aussi observé que la perte d’audition peut précéder les troubles de mémoire visibles de 10 à 15 ans. Cela fait de l’audition un signal d’alerte précoce intéressant, surtout quand on cherche à intervenir bien avant les premiers symptômes d’Alzheimer.

Perte d’audition : un facteur de risque mais pas une condamnation

Il est essentiel de garder un message clair. Une perte d’audition ne signifie pas que l’on va forcément développer une maladie d’Alzheimer.

Il s’agit d’un facteur de risque, au même titre que le tabac pour le cœur. Le risque augmente, mais il ne conduit pas à un destin fixé à l’avance.

De nombreux éléments se combinent : l’âge, les antécédents familiaux, la santé du cœur et des vaisseaux, la tension artérielle, la glycémie, le niveau d’activité physique, le niveau d’étude, la richesse de la vie sociale. L’isolement, la dépression, les traumatismes crâniens jouent aussi un rôle.

La bonne nouvelle est que plusieurs de ces facteurs sont modifiables. Même si on entend déjà moins bien, on peut agir pour réduire son risque global : se faire appareiller, soigner sa santé vasculaire, rester socialement actif, stimuler son cerveau au quotidien.

Les études suggèrent d’ailleurs que les personnes équipées d’aides auditives ont un risque de démence plus faible que celles qui ne corrigent pas leur perte, à niveau d’audition égal. Dans certains travaux, le sur-risque devient faible, voire non significatif, chez les utilisateurs réguliers d’appareils.

Signes de perte d’audition à surveiller chez soi et chez ses proches

La perte d’audition ne se résume pas à un chiffre sur un audiogramme. Elle se manifeste surtout par de petits décalages dans la vie de tous les jours.

Ces signes apparaissent souvent bien avant que la personne ne se déclare “sourde”. Ils sont parfois attribués à la fatigue, au stress, ou au manque d’attention, ce qui peut retarder la prise en charge.

Petits signes du quotidien qui doivent alerter

Certains comportements reviennent très souvent. Il peut s’agir du volume de la télé que l’on augmente peu à peu, au point que les proches trouvent le son trop fort. On peut aussi faire répéter les autres, surtout quand ils parlent vite ou qu’ils tournent la tête.

Beaucoup de personnes avec début de perte auditive ont tendance à dire que “les gens articulent mal”. Elles entendent le son, mais pas les détails des mots. Les discussions à plusieurs deviennent pénibles, en particulier dans les lieux bruyants. Les restaurants, les repas de famille ou les réunions de travail sont alors souvent évités.

La personne peut aussi couper plus souvent la parole, car elle croit avoir compris la phrase, alors qu’elle n’a entendu qu’une partie. Ou au contraire, elle reste en retrait, sourit sans répondre, pour cacher le fait qu’elle n’a pas tout suivi.

Ces signes du quotidien ne sont pas banals, surtout après 55 ou 60 ans. Ils doivent amener à parler d’un bilan auditif, même si la gêne semble encore légère.

Quand les problèmes d’audition touchent la mémoire et l’attention

Quand on entend mal, on rate des informations. La phrase est coupée, un mot se perd dans le bruit, une consigne est mal perçue. Plus tard, on a l’impression d’avoir oublié, alors que le message n’avait jamais été vraiment bien entendu.

Cela peut donner l’image d’une mauvaise mémoire. Par exemple, une personne ne suit pas une suite de consignes, car elle n’a saisi que la moitié des étapes. Elle se perd dans une conversation de groupe, change de sujet sans prévenir, ou répond à côté.

De l’extérieur, on peut penser qu’elle est distraite, “dans la lune”, voire confuse. En réalité, une grande part du problème peut venir de l’audition plus que de la mémoire.

Cette confusion est fréquente chez les personnes âgées. Elle peut mener à des diagnostics trop rapides de “début d’Alzheimer”, alors qu’une correction de la perte auditive améliorerait déjà beaucoup la situation.

Isolement social, solitude et risque de démence

La perte d’audition ne touche pas seulement l’oreille, elle affecte aussi la vie sociale. Quand on entend mal, on sort moins, on participe moins aux conversations, on évite les lieux bruyants.

Peu à peu, la personne parle moins avec ses proches. Les échanges téléphoniques se réduisent. Les activités de groupe, comme les clubs, les associations ou les cafés entre amis, deviennent rares. Le risque de solitude augmente.

Or la solitude prolongée est un facteur de déclin cognitif. Le cerveau a besoin de stimulations variées pour rester en forme : discussions, débats, projets, nouveaux lieux. Quand ces stimulations chutent, les capacités de pensée et de mémoire reculent plus vite.

La combinaison perte d’audition + isolement est donc préoccupante. L’entourage joue un rôle clé pour repérer ces changements et encourager un dépistage.

Comment la prise en charge de l’audition peut protéger le cerveau

Le message central est rassurant. Prendre soin de son audition n’est pas seulement une question de confort. C’est aussi une façon de protéger son cerveau, ou au moins de ralentir un éventuel déclin.

Les données récentes suggèrent qu’un dépistage et une correction précoces de la perte d’audition peuvent diminuer le risque de déclin cognitif, surtout sur les fonctions d’organisation et d’attention.

Faire tester son audition régulièrement après 50 ans

Un bilan auditif de base est judicieux vers 50 ou 55 ans, même en l’absence de gêne nette. Ensuite, en cas de doute ou de plainte, un contrôle tous les quelques années est raisonnable.

Le test est simple, indolore et rapide. Il consiste à écouter des sons de différentes fréquences et intensités sous un casque, puis parfois des listes de mots. Il peut être réalisé par un ORL ou un audioprothésiste, souvent sur demande du médecin traitant.

Attendre que la gêne devienne très forte retarde la prise en charge. Il vaut mieux parler tôt de ses difficultés, même si l’on pense que “ce n’est pas si grave”.

Aides auditives et appareils : un investissement pour la mémoire

Les appareils auditifs modernes sont bien plus discrets et confortables qu’autrefois. Ils amplifient les sons utiles, filtrent une partie du bruit, et permettent au cerveau de recevoir un signal plus clair.

Quand le son est plus net, le cerveau dépense moins d’énergie à deviner les mots. Il peut consacrer plus de ressources à la compréhension, à la mémoire de ce qui se dit, et à la gestion des émotions liées à l’échange.

Des études récentes montrent que les personnes équipées d’aides auditives présentent, en moyenne, un déclin cognitif plus lent que celles qui laissent leur perte d’audition non corrigée. Dans certains cas, le risque de démence se rapproche de celui des sujets avec audition normale.

S’équiper tôt est souvent plus efficace que d’attendre. Le cerveau reste habitué à un son riche, ce qui facilite l’adaptation à l’appareil et aide à garder une bonne participation aux échanges sociaux.

Habitudes de vie qui soutiennent à la fois audition et cerveau

Certaines habitudes simples servent en même temps la santé auditive et la santé cérébrale.

Il est utile de protéger ses oreilles du bruit fort. Par exemple, éviter les volumes très élevés avec des écouteurs, porter des protections dans les environnements très bruyants, faire des pauses auditives lors de concerts ou de travaux.

Surveiller sa tension artérielle et sa glycémie aide à préserver les petits vaisseaux qui irriguent l’oreille interne et le cerveau. L’activité physique régulière soutient aussi la circulation sanguine et réduit le risque de maladies vasculaires, qui peuvent aggraver à la fois la perte d’audition et le déclin cognitif.

Garder une vie sociale active, continuer à lire, à jouer, à discuter, à apprendre de nouvelles choses, nourrit le cerveau. Ces stimulations viennent compléter les efforts sur l’audition et renforcent la réserve cognitive, cette capacité du cerveau à résister plus longtemps aux lésions.

Quand s’inquiéter d’Alzheimer en cas de perte d’audition

Il est normal de se poser des questions. Comment faire la part entre une simple presbyacousie liée à l’âge et les premiers signes de maladie d’Alzheimer ou d’une autre démence ?

L’idée n’est pas de s’alarmer au moindre trou de mémoire, mais de rester attentif à certaines combinaisons de signes.

Signes de mémoire et de comportement qui doivent faire consulter

Certains signaux doivent amener à demander un avis médical, surtout quand ils s’ajoutent à une perte d’audition déjà connue. Il peut s’agir d’oublier souvent des événements récents, comme un rendez-vous, une visite, une information reçue dans la journée. La personne répète les mêmes questions plusieurs fois, car elle ne se souvient plus de la réponse donnée peu avant. Elle se perd dans un lieu familier, par exemple sur le chemin du retour vers son domicile. Elle a plus de mal à gérer l’argent, les papiers, les démarches, alors qu’elle y arrivait bien avant. On observe parfois des changements de caractère ou d’humeur, avec plus d’irritabilité, de retrait, ou au contraire une désinhibition.

Quand une perte d’audition s’accompagne de ce type de troubles de mémoire ou de comportement, il est prudent de consulter sans attendre.

Quel médecin voir et quels examens demander

Le premier interlocuteur reste le médecin généraliste. Il connaît l’histoire de la personne, ses traitements, ses autres maladies. Il peut repérer les signes qui inquiètent, faire un premier point, et orienter vers les bons spécialistes.

Il proposera souvent un bilan auditif si ce n’est pas déjà fait, avec un ORL ou un audioprothésiste. Parallèlement, il peut demander des tests de mémoire et d’attention simples, réalisés au cabinet ou dans une consultation mémoire.

Dans certains cas, une imagerie du cerveau, comme une IRM, est utile pour mieux comprendre la cause des troubles. L’objectif est de poser un diagnostic précoce, car plus la prise en charge commence tôt, plus il est possible de mettre en place des aides efficaces, des adaptations de l’environnement, et parfois des traitements qui ralentissent l’évolution.

A retenir

La perte d’audition n’est pas seulement une gêne sonore. C’est aussi un signal d’alerte précoce possible de la maladie d’Alzheimer et d’autres troubles cognitifs. Elle ouvre une fenêtre sur l’état du cerveau, parfois 10 à 15 ans avant les premiers symptômes de mémoire.

Trois messages se dégagent. Il ne faut pas banaliser les signes auditifs du quotidien. Il est utile de faire tester son audition et de la corriger si besoin. Il est précieux de garder une vie sociale et mentale active, qui soutient le cerveau au long cours.

Parler de l’audition en famille, avec son médecin, ce n’est pas un détail. C’est une façon concrète de prendre soin, en même temps, de ses oreilles et de son cerveau.

 

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