Obésité et maladie d’Alzheimer : des biomarqueurs sanguins qui s’emballent jusqu’à 95 % plus vite
Les données récentes indiquent que, chez les personnes obèses, certains biomarqueurs sanguins de la maladie d’Alzheimer progressent beaucoup plus vite, jusqu’à 95 %

La question du lien entre poids et cerveau devient de plus en plus claire. Une grande étude de suivi sur plusieurs années montre que, chez les personnes obèses, certains biomarqueurs sanguins de la maladie d’Alzheimer augmentent jusqu’à 95 % plus vite que chez les personnes non obèses. Autrement dit, les signes biologiques de la maladie progresseraient plus rapidement quand le poids est trop élevé.
La maladie d’Alzheimer touche la mémoire, le langage, l’orientation, puis l’autonomie. Au cœur du problème, des neurones qui se dégradent peu à peu. Les biomarqueurs sanguins, eux, sont des signaux mesurés dans le sang, qui renseignent sur ce qui se passe dans le cerveau, bien avant les symptômes visibles.
L’obésité ne représente pas un destin figé. Elle fait partie des facteurs de risque dits modifiables, aux côtés du diabète, de l’hypertension, de la dépression ou de la consommation d’alcool. Le rapport 2024 de la commission Lancet estime que quatorze facteurs contrôlables regroupent près de la moitié du risque global de maladie d’Alzheimer. C’est une très mauvaise nouvelle pour la maladie, mais une bonne nouvelle pour nous, car cela signifie qu’il est possible d’agir.
Dans cet article, nous allons voir ce que montre cette étude sur l’obésité et les biomarqueurs, ce que ces résultats changent pour les personnes en surpoids, et surtout quelles actions concrètes peuvent protéger le cerveau dès aujourd’hui.
Comprendre simplement Alzheimer et les biomarqueurs sanguins
Avant de parler chiffres et pourcentages, il est utile de poser le décor. La maladie d’Alzheimer n’arrive pas du jour au lendemain. Elle se prépare dans le cerveau sur de longues années, parfois même des décennies. Les biomarqueurs sanguins offrent une sorte de fenêtre sur ces changements silencieux.
Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer au niveau du cerveau ?
La maladie d’Alzheimer est une maladie du cerveau qui détruit peu à peu les neurones. Ces cellules gèrent la mémoire, la pensée, le langage, l’orientation dans l’espace, et bien d’autres fonctions.
Deux types de dépôts jouent un rôle important. D’abord les plaques amyloïdes, faites de bêta‑amyloïde, une petite protéine qui s’accumule entre les neurones comme des déchets qui ne seraient plus déblayés. Ensuite les enchevêtrements de protéine tau, qui se forment à l’intérieur des neurones. On peut les comparer à des fils électriques qui se tordent et cassent, ce qui bloque le bon fonctionnement de la cellule.
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Ces changements commencent bien avant les premiers trous de mémoire. Quand les symptômes apparaissent, une partie du travail de sape est déjà faite. C’est pour cette raison que les chercheurs cherchent des moyens de détecter la maladie plus tôt, afin d’agir le plus en amont possible.
Que sont les biomarqueurs sanguins d’Alzheimer comme pTau217, NfL et GFAP ?
Pendant longtemps, pour voir les signes d’Alzheimer, il fallait faire une ponction lombaire ou un PET scan du cerveau. Ces méthodes restent utiles, mais elles sont coûteuses ou invasives. Aujourd’hui, des tests de sang offrent une autre voie, plus simple, pour repérer les signes précoces de la maladie.
Trois biomarqueurs ont été suivis dans l’étude récente.
La pTau217 est une forme de protéine tau, modifiée de façon précise. Quand les dépôts de tau se mettent en place dans le cerveau, cette forme apparaît dans le sang. Un taux qui grimpe dans le temps indique une installation progressive de la pathologie tau.
La neurofilament light chain (NfL) correspond à des fragments libérés par des neurones abîmés ou qui meurent. Plus le taux de NfL augmente vite, plus cela suggère des dégâts sur les cellules nerveuses.
La GFAP, ou protéine acide fibrillaire gliale, est produite par les astrocytes, des cellules de soutien du cerveau. Quand le cerveau est agressé, ces cellules s’activent, et la GFAP dans le sang reflète cette réaction.
Ces biomarqueurs sanguins permettent de suivre l’évolution de la maladie d’Alzheimer au fil du temps. Dans l’étude, les chercheurs ont montré qu’ils étaient parfois plus sensibles que l’imagerie seule pour capter l’impact de l’obésité sur le cerveau.
Que montre l’étude : des biomarqueurs d’Alzheimer jusqu’à 95 % plus rapides chez les personnes obèses
Les résultats les plus marquants viennent d’une analyse issue du programme Alzheimer’s Disease Neuroimaging Initiative. Ce grand projet suit depuis des années des personnes âgées, avec des prises de sang régulières et des examens d’imagerie cérébrale.
Les chercheurs ont utilisé les données de 407 participants, suivis pendant environ 5 ans. Chaque personne avait des PET scans amyloïdes pour mesurer les plaques dans le cerveau, et des dosages sanguins de pTau217, NfL et GFAP, réalisés avec plusieurs tests commerciaux reconnus.
Comment les chercheurs ont suivi le cerveau : PET scan et prises de sang sur 5 ans
Le PET scan amyloïde est une technique d’imagerie qui permet de visualiser la quantité de bêta‑amyloïde dans le cerveau. On injecte un traceur qui se fixe sur les plaques, puis on observe les zones où ces dépôts s’accumulent. L’examen donne une sorte de carte de la charge amyloïde.
Les biomarqueurs sanguins, eux, ne montrent pas directement des images du cerveau. Ils indiquent ce qui circule dans le sang, en lien avec la pathologie d’Alzheimer et les lésions neuronales. C’est un peu comme lire les signaux d’alerte sur le tableau de bord d’une voiture, plutôt que d’ouvrir le moteur.
Les chercheurs ont regardé le lien entre l’indice de masse corporelle (IMC), l’obésité au début du suivi, et la vitesse d’augmentation des biomarqueurs et de la charge amyloïde. Ce point est important. Ils n’ont pas seulement comparé des valeurs à un instant donné. Ils ont suivi des courbes dans le temps pour voir la pente de progression.
Pourquoi les biomarqueurs semblaient plus bas au départ chez les personnes obèses
Un point a surpris l’équipe au début. À la première mesure, les personnes obèses avaient des taux de biomarqueurs et une charge amyloïde au PET parfois plus bas que les autres. On aurait pu croire que l’obésité protégeait le cerveau, ce qui n’a aucun sens clinique.
Les chercheurs ont proposé une explication simple, liée à la dilution. Les personnes obèses ont souvent un volume sanguin plus élevé. Si la même quantité de protéine se retrouve dans un plus grand volume, sa concentration paraît plus faible. C’est comme mettre une cuillère de sucre dans un verre d’eau, puis dans une carafe. Le goût sucré est moins fort, mais la quantité totale n’a pas changé.
Si l’on regarde seulement cette première “photo”, on peut donc se tromper sur la vraie situation. Ce sont les données suivies dans le temps, les “films” de 5 ans, qui révèlent l’histoire complète. En observant la pente de montée des biomarqueurs, les chercheurs ont vu que la progression était en réalité plus rapide chez les personnes obèses.
Des augmentations allant jusqu’à 95 % plus rapides : que signifient ces chiffres alarmants ?
Les résultats chiffrés sont parlants, même pour un lecteur non spécialiste. Chez les participants obèses au départ, le ratio de pTau217 dans le sang a augmenté jusqu’à environ 95 % plus vite que chez les participants non obèses. Autrement dit, la pente de la courbe était presque doublée.
Pour la NfL, qui reflète les lésions des neurones, la progression était environ 24 % plus rapide chez les personnes obèses. Les biomarqueurs ne sont pas les seuls à évoluer. La charge amyloïde au PET scan augmentait aussi plus vite, avec une hausse d’environ 3,7 % de la vitesse d’accumulation.
Les auteurs ont également montré que les tests sanguins étaient plus sensibles que l’imagerie seule pour capter l’impact de l’obésité sur la pathologie d’Alzheimer. Les variations de pTau217, NfL et GFAP semblaient réagir plus nettement à l’excès de poids que les images de PET.
Que racontent ces chiffres au quotidien ? Ils suggèrent que, chez une personne obèse, les dégâts liés à Alzheimer dans le cerveau peuvent avancer plus vite, même si la maladie reste silencieuse au début. Cela peut rapprocher le moment où les troubles de mémoire apparaîtront, ou accélérer leur aggravation une fois les premiers signes installés.
Pourquoi l’obésité peut accélérer la maladie d’Alzheimer
L’étude ne se contente pas de décrire des courbes. Elle fait écho à ce que l’on sait déjà de l’impact de l’obésité sur le cerveau. L’excès de poids ne touche pas seulement les articulations ou le cœur. Il modifie aussi la chimie du cerveau, l’état des vaisseaux et la façon dont les neurones utilisent le sucre.
Le rapport de la commission Lancet rappelle que l’obésité, le diabète, l’hypertension, la perte auditive, le tabac, la dépression, l’alcool et d’autres facteurs modifiables peuvent expliquer près de la moitié des cas de démence. Cela signifie que la marge de manœuvre est réelle.
Inflammation, sucre et vaisseaux sanguins : comment le surpoids touche le cerveau
L’obésité, surtout abdominale, s’accompagne souvent d’un état d’inflammation chronique. Le corps produit en permanence des substances qui activent le système immunitaire. Cette inflammation ne reste pas limitée au ventre ou au foie. Elle touche aussi le cerveau et peut favoriser la progression des plaques amyloïdes et des dépôts de tau.
Le surpoids s’associe souvent à un diabète de type 2 ou à un prédiabète. Le cerveau utilise le glucose comme carburant principal. Quand l’insuline ne fonctionne plus bien, le cerveau gère moins bien ce sucre. On parle parfois de résistance à l’insuline cérébrale. Cette mauvaise gestion de l’énergie peut fragiliser les neurones.
Les vaisseaux sanguins qui nourrissent le cerveau souffrent eux aussi. Hypertension, excès de graisses dans le sang et obésité abîment les parois des artères. De petites lésions s’installent. L’apport en oxygène et en nutriments devient moins régulier. Sur le long terme, cela crée un terrain favorable aux lésions cérébrales.
Ces mécanismes se reflètent dans les biomarqueurs. L’augmentation de NfL correspond à des neurones qui souffrent ou qui meurent. La hausse de GFAP montre que les cellules de soutien du cerveau s’activent pour répondre à cette agression chronique.
L’obésité comme facteur de risque modifiable d’Alzheimer
L’âge et les gènes ne peuvent pas être changés. En revanche, le poids, la tension artérielle, l’activité physique, le sommeil, la consommation de tabac ou d’alcool peuvent évoluer avec le temps. L’obésité fait partie de ces leviers.
Les experts estiment qu’en agissant simultanément sur plusieurs de ces facteurs, on pourrait éviter ou retarder un grand nombre de cas de maladie d’Alzheimer. Une perte de poids même modérée, par exemple 5 à 10 % du poids initial, améliore déjà la tension, le diabète et l’état des vaisseaux.
Il reste encore à montrer, par des études dédiées, dans quelle mesure une telle perte de poids ralentit directement la progression des biomarqueurs d’Alzheimer. Les chercheurs envisagent de suivre l’effet des médicaments amaigrissants modernes sur pTau217, NfL, GFAP, la charge amyloïde et l’atrophie cérébrale à l’IRM. On entre dans une période où l’on pourra mesurer plus finement l’effet des traitements sur la santé du cerveau.
Ce que cela change pour vous : prévenir, se faire dépister, agir sur son poids
Face à ces données, il est facile de se sentir inquiet, surtout si l’on vit déjà avec un surpoids. L’objectif n’est pas de créer un climat de peur, mais de donner des repères clairs pour agir plus tôt, de façon réaliste, avec l’aide de l’équipe soignante.
Quand parler à son médecin de la mémoire et des biomarqueurs sanguins
Les tests de biomarqueurs sanguins pour la maladie d’Alzheimer commencent à entrer dans la pratique clinique dans certains pays. Ils servent à mieux repérer les personnes à risque et à suivre l’effet des nouveaux traitements qui ciblent l’amyloïde.
Si vous êtes en surpoids ou obèse, que vous avez des antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer, ou que vous remarquez des troubles de la mémoire qui persistent, il est raisonnable d’en parler à votre médecin. Un premier bilan peut inclure un entretien détaillé, des tests de mémoire simples et, selon le contexte, des examens complémentaires.
Dans certains cas, une imagerie cérébrale ou des prises de sang pour biomarqueurs pourront être proposées. L’important est de comprendre que la valeur d’un test isolé reste limitée. C’est la répétition des mesures dans le temps qui renseigne sur la vitesse de progression, comme dans l’étude qui a suivi les participants sur 5 ans.
Stratégies simples pour perdre du poids et protéger son cerveau
La meilleure approche associe hygiène de vie et suivi médical. Une activité physique régulière, même modérée, améliore à la fois le poids, la circulation sanguine et la santé du cerveau. La marche rapide, le vélo, la natation ou la danse sont de bons exemples. L’important est de bouger plusieurs fois par semaine, à son rythme.
Une alimentation riche en légumes, fruits, poissons gras, légumineuses et graines, avec moins de sucre ajouté et de produits ultra‑transformés, aide à stabiliser le poids et la glycémie. De nombreux travaux suggèrent que ce type de régime, proche du régime méditerranéen, est associé à un meilleur vieillissement cérébral.
Le sommeil, la gestion du stress et le traitement d’une éventuelle dépression jouent aussi un rôle. Un cerveau fatigué en permanence est plus fragile. Des médicaments anti‑obésité récents peuvent aider certaines personnes, en complément des changements de mode de vie. Ils doivent être prescrits et surveillés par un médecin.
Les chercheurs imaginent déjà des études où l’on suivra le cerveau de patients traités pour l’obésité, en mesurant l’évolution de pTau217, NfL, GFAP, de l’IRM et du PET amyloïde. Cela permettra de savoir si la perte de poids se traduit par un ralentissement des signaux biologiques de la maladie d’Alzheimer.
Comment rester motivé sans culpabilité quand on vit avec l’obésité
L’obésité est une maladie complexe. Elle dépend de facteurs biologiques, hormonaux, psychologiques et sociaux. Se culpabiliser ne fait qu’ajouter une charge mentale, sans améliorer la santé.
Chaque petit changement compte pour la santé du cerveau. Monter les escaliers un peu plus souvent, réduire doucement les boissons sucrées, marcher dix minutes de plus par jour, sont déjà des pas utiles. La perte de poids n’est pas toujours rapide, mais d’autres progrès apparaissent en chemin, par exemple une tension plus basse, une glycémie mieux contrôlée ou un meilleur sommeil.
S’entourer aide à tenir sur la durée. Un médecin traitant, un diététicien, un psychologue ou un groupe de soutien peuvent vous accompagner sans jugement. Fixer des objectifs réalistes, célébrer chaque progrès, même modeste, contribue à préserver la motivation, ce qui est essentiel pour le cerveau comme pour le reste du corps.
A retenir
Les données récentes indiquent que, chez les personnes obèses, certains biomarqueurs sanguins de la maladie d’Alzheimer progressent beaucoup plus vite, jusqu’à 95 % pour pTau217. Cette accélération suggère que les dégâts dans le cerveau avancent plus rapidement, souvent avant même l’apparition de troubles de la mémoire. L’étude met aussi en avant l’intérêt des tests sanguins, parfois plus sensibles que le PET scan pour capter l’impact de l’obésité sur la pathologie d’Alzheimer.
Le message central reste porteur d’espoir. Une large part du risque lié à la maladie vient de facteurs modifiables, dont le poids, l’activité physique, la tension, le diabète ou l’hygiène de vie. Agir sur ces éléments, même par des changements progressifs, peut réduire le risque ou retarder l’arrivée des symptômes.
Si ces questions vous concernent, par votre poids, vos antécédents ou votre âge, le meilleur réflexe est de discuter avec votre médecin. Ensemble, vous pouvez décider d’un bilan adapté et de premiers ajustements réalistes. Le cerveau se protège au long cours, par une somme de petites décisions, prises jour après jour.