Apprend-on vraiment de ses erreurs ? Pas si simple selon cette étude
Les chercheurs ont découvert que la majorité des gens surestiment considérablement la capacité des individus à rebondir après un échec dans diverses situations

L’adage selon lequel on apprend de ses erreurs est profondément ancré dans notre culture. Cependant, une étude récente remet en question cette croyance largement répandue et suggère que tirer des leçons de nos échecs pourrait être plus complexe que nous le pensions. Examinons de plus près les conclusions de cette recherche et leurs implications pour notre compréhension de l’apprentissage et du développement personnel.
La remise en question d’une idée reçue
Une nouvelle étude publiée dans le Journal of Experimental Psychology: General vient bousculer nos certitudes sur la valeur pédagogique de l’erreur. Les chercheurs ont découvert que la majorité des gens surestiment considérablement la capacité des individus à rebondir après un échec dans diverses situations, qu’il s’agisse d’examens professionnels ou de problèmes de santé.
Cette croyance exagérée en le pouvoir formateur de l’échec peut avoir des conséquences inattendues. En effet, elle risque de dissuader les personnes de prendre les mesures concrètes nécessaires pour progresser réellement après un revers. Comme l’explique la Dr Lauren Eskreis-Winkler, auteure principale de l’étude :
“Les gens qui surestiment de manière optimiste la probabilité réelle de réussite après un échec sont moins susceptibles de prendre les mesures concrètes qui permettent une véritable résilience. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas réussir après un échec – il ne faut simplement pas considérer cela comme acquis.”
Cette découverte remet en question l’idée reçue selon laquelle l’échec est toujours un bon professeur. Elle nous invite à adopter une approche plus nuancée et réaliste de l’apprentissage par l’erreur.
Les résultats surprenants de l’étude
Pour évaluer les attitudes concernant la réussite après un échec, l’équipe de recherche a analysé les données d’enquêtes en ligne menées auprès de 1 800 adultes aux États-Unis. Les questions portaient sur les croyances des participants quant à la résilience des gens dans certaines situations, comme lorsque leur santé se détériore ou lorsqu’ils n’obtiennent pas les résultats d’examens souhaités.
Les chercheurs ont fait plusieurs découvertes étonnantes :
Les participants ont systématiquement surestimé le nombre de personnes qui réussiraient après un revers par rapport à la réalité.
Par exemple, ils ont largement surévalué le nombre d’avocats, d’enseignants et d’infirmières qui finiraient par réussir des examens standardisés après un premier échec.
De même, ils ont surestimé le nombre de personnes souffrant de dépendance qui parviendraient à devenir sobres, ainsi que le nombre de patients atteints d’insuffisance cardiaque qui adopteraient des changements de mode de vie bénéfiques pour leur santé.
Plus surprenant encore, cette surestimation de la capacité à rebondir après un échec semblait avoir un impact sur la propension des participants à agir. Par exemple, lorsqu’ils ignoraient que le taux de rechute des personnes se remettant d’une dépendance aux opioïdes était de 91 % la première année, les participants étaient plus enclins à penser que l’argent des contribuables devrait être alloué à des programmes de réadaptation, par rapport à ceux qui connaissaient ce taux élevé de rechute.
Ces résultats mettent en lumière un décalage important entre nos perceptions et la réalité concernant l’apprentissage par l’erreur. Ils soulignent la nécessité d’adopter une approche plus réaliste et nuancée de la gestion des échecs.
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Pourquoi est-il si difficile d’apprendre de ses erreurs ?
Contrairement à la croyance populaire, “apprendre de l’échec est souvent plus difficile qu’apprendre du succès“, affirme la Dr Eskreis-Winkler. Cette affirmation peut sembler contre-intuitive, mais elle s’appuie sur des bases scientifiques solides.
La meilleure façon d’apprendre est d’être récompensé par le succès. Nos cerveaux nous récompensent avec une petite décharge de dopamine lorsque nous devinons correctement, par exemple. En pratiquant et en nous améliorant au fil du temps, nous construisons un schéma de réussite. Cependant, cela ne signifie pas qu’il est impossible d’apprendre de ses erreurs. Faire une erreur peut être une “expérience d’apprentissage puissante” précisément parce qu’elle est inattendue et remarquable.
Plusieurs facteurs peuvent influencer notre capacité à tirer des leçons de nos échecs
La motivation : Plus nous sommes motivés à nous améliorer, plus nous sommes susceptibles d’analyser nos erreurs de manière constructive.
L’intensité de la réponse émotionnelle : Une réaction émotionnelle trop forte peut entraver notre capacité à analyser objectivement la situation.
Notre état de santé mentale : L’anxiété ou la dépression peuvent affecter notre capacité à gérer les échecs de manière productive.
L’importance de l’événement : Apprendre d’événements majeurs de la vie, comme échouer à un examen crucial ou rechuter après une période de sobriété, peut être plus difficile que de tirer des leçons d’expériences moins significatives.
Comment utiliser l’échec comme tremplin vers le succès
Bien que l’apprentissage par l’erreur ne soit pas automatique, les psychologues affirment qu’il est possible d’augmenter ses chances de réussite après un échec en adoptant certaines stratégies :
1. Prendre le temps de digérer l’expérience
L’échec est inconfortable, mais s’autoriser à réfléchir à l’expérience peut être bénéfique pour aller de l’avant. Tâchez de ne pas minimiser ce qui s’est passé, mais plutôt de prendre le temps de réfléchir aux événements qui ont conduit à l’échec et aux émotions qui y sont associées avant d’avancer.
2. Analyser ce qui n’a pas fonctionné
Il est crucial d’identifier les facteurs qui ont contribué à l’échec. Peut-être n’avez-vous pas consacré suffisamment de temps à la préparation d’un examen, ou peut-être avez-vous simplement fait le mauvais choix. Une personne qui a confiance en elle et qui est consciente d’elle-même peut apprendre de l’échec car elle peut prêter attention aux facteurs impliqués dans l’échec. Prendre le temps de réfléchir à ce qui a pu contribuer à votre échec réduira les chances que vous commettiez la même erreur à l’avenir.
3. S’engager consciemment dans l’apprentissage
Il est tentant de vouloir oublier rapidement un échec pour aller de l’avant. Lorsque les gens échouent, ils sont automatiquement confrontés à deux objectifs concurrents. Le premier objectif est d’apprendre de l’échec pour faire mieux la prochaine fois. Mais le second objectif est de se sentir bien dans sa peau. Lorsque l’objectif de se sentir bien l’emporte sur l’objectif d’apprendre, les gens se déconnectent et n’apprennent pas de l’échec. Décider consciemment d’utiliser cette expérience comme un moment d’apprentissage peut aider à réduire les chances de répéter la même erreur.
4. Adopter une perspective réaliste
Il est important de reconnaître que tous ne réussissent pas des examens difficiles, même à la deuxième tentative, ou ne parviennent pas à atteindre la sobriété en peu de temps.. Bien que des croyances “excessivement optimistes” sur le pouvoir de l’échec puissent sembler bénéfiques, les données montrent qu’elles ne le sont pas nécessairement.
5. Garder une attitude positive
Il est normal et compréhensible d’être contrarié par un échec. Cela ne devrait pas vous empêcher d’essayer à nouveau à l’avenir. Se sentir confiant et être capable de réfléchir à ce qui n’a pas fonctionné vous aidera à apprendre plus facilement que quelqu’un qui est découragé et qui n’a pas conscience de lui-même, qui pourrait essayer d’éviter complètement de penser à la situation.
L’importance d’une approche équilibrée
Cette étude nous rappelle l’importance d’adopter une approche équilibrée face à l’échec. Plutôt que de considérer l’erreur comme un échec absolu ou comme une opportunité garantie d’apprentissage, il est plus productif de l’envisager comme une expérience potentiellement formatrice, à condition d’être abordée avec la bonne mentalité et les bonnes stratégies.
Voici quelques points clés à retenir :
L’apprentissage par l’erreur n’est pas automatique : il nécessite une réflexion consciente et des efforts délibérés.
- Une vision trop optimiste de l’échec peut paradoxalement nous empêcher de prendre les mesures nécessaires pour progresser.
- Il est important d’analyser objectivement les raisons de nos échecs pour en tirer des leçons utiles.
- Maintenir un équilibre entre l’acceptation de l’échec et la motivation à s’améliorer est crucial.
- Chaque expérience, qu’elle soit positive ou négative, peut contribuer à notre croissance personnelle si nous l’abordons de manière constructive.
Implications pour l’éducation et le développement personnel
Les conclusions de cette étude ont des implications importantes pour l’éducation et le développement personnel. Elles suggèrent que nous devrions peut-être repenser la façon dont nous abordons l’échec dans ces domaines.
Dans le contexte éducatif
Les éducateurs pourraient envisager de :
- Enseigner explicitement des stratégies pour apprendre des erreurs, plutôt que de supposer que cet apprentissage se fera naturellement.
- Créer un environnement où l’échec est vu comme une partie normale du processus d’apprentissage, tout en fournissant le soutien nécessaire pour en tirer des leçons constructives.
- Encourager une réflexion structurée après les échecs, guidant les élèves dans l’analyse de ce qui n’a pas fonctionné et la planification d’améliorations futures.
Dans le développement personnel
Les coachs et les thérapeutes pourraient :
Aider leurs clients à développer une vision réaliste de l’échec, ni trop pessimiste ni excessivement optimiste.
Enseigner des techniques spécifiques pour analyser les erreurs et en tirer des enseignements utiles.
Travailler sur la résilience émotionnelle pour mieux gérer les sentiments négatifs associés à l’échec.
Vers une compréhension plus nuancée de l’apprentissage par l’erreur
Cette étude nous invite à repenser notre approche de l’échec et de l’apprentissage. Plutôt que de considérer l’erreur comme un professeur infaillible, nous devrions la voir comme une opportunité d’apprentissage qui nécessite une réflexion active et des efforts conscients.
L’idée que nous apprenons automatiquement de nos erreurs est séduisante, mais potentiellement trompeuse. En réalité, tirer des leçons de nos échecs est un processus complexe qui demande de la perspicacité, de la persévérance et une bonne dose d’humilité.
En adoptant une approche plus nuancée et réaliste de l’apprentissage par l’erreur, nous pouvons maximiser nos chances de croissance personnelle et professionnelle. Cela implique de reconnaître que l’échec n’est ni un obstacle insurmontable, ni une garantie de progrès, mais plutôt une expérience qui, bien gérée, peut nous aider à évoluer et à nous améliorer.
Finalement, cette étude nous rappelle que la véritable sagesse ne réside pas dans l’absence d’erreurs, mais dans notre capacité à les transformer en opportunités d’apprentissage et de croissance. C’est en cultivant cette aptitude que nous pourrons véritablement tirer le meilleur de nos expériences, qu’elles soient positives ou négatives.