Science

Prise de poids : moins on dort, plus on grossit

Hélène Leroy

Une étude récente montre qu’une seule nuit d’insomnie favorise le gain de poids en perturbant le métabolisme des graisses et des muscles

Dans notre société hyperconnectée où il se passe toujours quelque chose 24 heures par jour, 7 jours par semaine, de plus en plus de personnes souffrent d’un déficit de sommeil. On estime qu’au moins 50 % de la population dort insuffisamment (moins de 7 heures par nuit) et/ou a un sommeil de mauvaise qualité, marqué par des difficultés à s’endormir, des périodes d’insomnie ou de réveils intermittents.

En plus des répercussions immédiates de ce manque de sommeil sur le fonctionnement général de la personne fatiguée (manque d’attention, irritabilité, baisse de productivité), un nombre important d’études indiquent que mal dormir peut également favoriser le développement d’un éventail de maladies chroniques graves, allant des maladies du cœur à certains types de cancers. Dormir ne sert donc pas seulement à se reposer et recouvrer notre énergie, mais représente une période métabolique qui exerce plusieurs répercussions importantes sur l’ensemble de l’organisme.

Obésité, syndrome métabolique, hypertension: le manque de sommeil se paye cher

Un indice de ce rôle important provient de plusieurs observations montrant que le manque de sommeil est associé à une hausse du risque de nombreux désordres métaboliques, incluant l’obésité, le syndrome métabolique (une combinaison d’hypertension, de surpoids et de dyslipidémie) et le diabète de type 2.

Le risque de développer ces conditions est particulièrement prononcé chez les personnes qui présentent des problèmes chroniques de sommeil (les travailleurs de nuit, par exemple), mais a pu aussi être observé chez des personnes dont le sommeil est perturbé pendant seulement quelques nuits consécutives.

Selon une recherche sur ce phénomène, le manque de sommeil favorise le surpoids en provoquant une hausse des hormones qui stipulent l’appétit, en favorisant la surconsommation de nourriture, ainsi qu’en déréglant le métabolisme du sucre. Dans ce dernier cas, une étude a montré que des jeunes hommes (18-27 ans) qui étaient en déficit de sommeil (seulement 4 heures au lit pendant 6 jours consécutifs) présentaient une baisse importante (30 %) de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose, du même ordre que celle observée normalement chez des personnes âgées de 60 ans et plus.

Dormir adéquatement n’est donc pas seulement nécessaire au repos, mais joue un rôle important dans le maintien des fonctions physiologiques normales.

La carence de sommeil favorise l’accumulation de graisses

Une analyse récente des phénomènes biochimiques altérés par le manque de sommeil permet de visualiser au niveau moléculaire l’impact de ce déficit sur le métabolisme.

Dans cette étude, les chercheurs ont prélevé chez 15 volontaires des échantillons de sang, de gras et de muscles en deux occasions, soit après

une nuit normale de sommeil ou à la suite d’une nuit blanche. Ils ont tout d’abord observé que la carence en sommeil provoquait d’importants changements dans le profil de méthylation de l’ADN, une modification épigénétique qui joue un rôle important dans le contrôle de l’expression des gènes. Au niveau des adipocytes (cellules qui emmagasinent la graisse), ces modifications provoquent une hausse de l’activité de gènes impliqués dans le stockage des graisses, tandis qu’au niveau des muscles, c’est plutôt une dégradation des protéines structurales qui est observée.

Ces observations sont en accord avec plusieurs études montrant que la carence en sommeil favorise l’accumulation de masse graisseuse et diminue en parallèle la masse musculaire.

Puisque ces changements sont déjà visibles après seulement une nuit blanche, on peut imaginer à quel point le manque de sommeil à répétition peut influencer défavorablement le métabolisme et soutenir le développement des nombreuses pathologies associées au surpoids.

Source

Spiegel K et coll. Impact of sleep debt on metabolic and endocrine function. Lancet ; 354 : 1435-1439.

Cedernaes J et coll. Acute sleep loss results in tissue-specific alterations in genome-wide DNA methylation state and metabolic fuel utilization in humans. Sci. Adv. 2018; 4: eaar8590.

 

 

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