Nutrition

Le mode de vie pro-inflammatoire déclenche les récidives du cancer

Hélène Leroy

Les cellules cancéreuses qui survivent aux traitements peuvent demeurer plusieurs années dans un état latent avant de revenir en force sous forme de métastases. Selon une étude récente, ce réveil est causé par la présence de conditions inflammatoires. Elles modifient l’environnement des tumeurs dormantes et leur procurent les conditions nécessaires à leur croissance.

Un des aspects les plus redoutables du cancer est sa capacité à survivre aux interventions thérapeutiques, qu’il s’agisse de chimiothérapie, radiothérapie ou de thérapies plus ciblées. Ces traitements parviennent la plupart du temps à éliminer la quasi-totalité des cellules cancéreuses. Mais l’infime proportion qui réussit
à leur résister peut se répandre dans le corps, demeurer sous une forme dormante et indétectable, un peu comme un ennemi traqué qui récupère lentement ses énergies après un combat et planifie sa revanche.

La présence de ces cellules tumorales résiduelles dormantes est très dangereuse, car en plus d’avoir conservé les caractéristiques qui avaient permis à la tumeur initiale d’envahir une région du corps, ces cellules peuvent former des métastases qui sont désormais résistantes aux traitements anticancéreux.

La majorité des patients touchés par le cancer ne décèdent pas de la tumeur initiale, mais plutôt des métastases qui se développent dans des organes essentiels comme les poumons, le foie ou le cerveau.  Pour éviter les récidives du cancer, et réduire du même coup la mortalité liée à cette maladie, il faut donc absolument empêcher ces cellules métastatiques résiduelles de se réactiver et d’exprimer leur potentiel destructeur.

L’inflammation réveille l’ennemi endormi

Le problème posé par les cellules cancéreuses résiduelles est particulièrement frappant dans le cas des cancers du sein qui possèdent des récepteurs à estrogènes (ER+). Les patientes qui ont été traitées pour ce type de cancer peuvent être en rémission pendant une très longue période (parfois plus de 12 ans), ce qui laisse présager une guérison complète, pour ensuite voir la tumeur réapparaître subitement et menacer leur vie.

Plusieurs observations suggèrent un rôle important de l’inflammation chronique parmi les facteurs responsables de ce réveil des cellules cancéreuses dormantes. Chez les survivantes d’un cancer du sein, par exemple, un taux élevé de la protéine C réactive (un marqueur de la présence de conditions inflammatoires) est associé à une réduction significative de la survie. De plus, certaines conditions connues pour déclencher l’inflammation, comme le tabagisme, sont également associées à un risque accru de récidive et de mortalité chez ces patientes.

Les résultats d’une étude récemment publiée dans la très prestigieuse revue Science permettent de mieux comprendre ce lien entre l’inflammation et l’évolution des métastases dormantes.  En utilisant des modèles de souris porteuses de métastases mammaires au niveau du poumon, les scientifiques ont observé que la création de conditions inflammatoires à l’aide d’une molécule bactérienne provoquait l’arrivée massive au niveau des poumons d’une classe de globules blancs (les neutrophiles) spécialisés dans l’élimination des pathogènes.

En conditions normales, la sécrétion de diverses enzymes par ces neutrophiles permet d’enrober et de digérer rapidement les microorganismes. Par contre,
les chercheurs ont observé que lorsque ces phénomènes se produisent à proximité des tumeurs dormantes, ils modifient en profondeur l’environnement dans lequel se trouvent les cellules cancéreuses. Elles causent, par une cascade d’événements biochimiques complexes, un « réveil cellulaire » menant à une prolifération rapide des métastases.

Des habitudes de vie anti-inflammatoire

La contribution de l’inflammation aux récidives du cancer souligne à quel point il est important pour les survivants de la maladie d’adopter des habitudes de vie qui empêchent le développement de conditions inflammatoires chroniques.

En plus de l’arrêt du tabagisme, qui hausse considérablement les risques de récidive de plusieurs cancers, l’alimentation et l’activité physique représentent les principaux piliers d’un mode de vie anti-inflammatoire.

Pour l’alimentation, il est particulièrement important de limiter au minimum la consommation d’aliments industriels transformés, des agresseurs toxiques

qui génèrent une forte réponse inflammatoire. Remplacer ces aliments ultratransformés par des aliments d’origine végétale, riches en composés phytoprotecteurs représente donc un prérequis essentiel pour diminuer les risques de récidive et le maintien d’une bonne santé en général.

Il en est de même pour l’activité physique : un très grand nombre d’études montrent que les survivants d’un cancer qui sont les plus actifs physiquement sont moins à risque de récidives, un effet protecteur qui est particulièrement bien documenté pour le cancer du sein.

Il ne faut donc pas être fataliste suite à un diagnostic de cancer et penser qu’on ne peut rien faire pour empêcher une récidive. Manger une abondance de végétaux, être actif physiquement et maintenir un poids corporel normal sont tous des gestes qui peuvent réduire le risque de récidive tout en améliorant la qualité de vie.

Source

Albrengues J et coll. Neutrophil extracellular traps produced during inflammation awaken dormant cancer cells in mice. Science 361 : pii : eaao4227.

 

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