En été, le système immunitaire prend aussi des vacances

Une complexe et fascinante étude de la revue savante Nature révèle que l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la réponse immunitaire est plus élevée en hiver et plus faible en été, ce qui réduit les niveaux de molécules inflammatoires et le risque de plusieurs maladies graves associées à l’inflammation. Comme quoi notre système immunitaire prend lui aussi quelques semaines de vacances estivales.

Les changements de climat qui accompagnent les saisons exercent une grande influence sur la vie de l’ensemble des espèces vivantes de la planète. Il suffit de penser à la floraison saisonnière des fleurs, aux énormes distances franchies par les espèces migratrices pour leur reproduction ou encore à certaines variations extrêmes du métabolisme (l’hibernation des ours, par exemple).

Chez les humains, de nombreuses études ont clairement montré que l’incidence de plusieurs maladies varie énormément selon les saisons, avec un pic observé durant l’hiver. On pense évidemment à certaines maladies infectieuses comme la grippe, qui frappe durement de décembre à avril, mais plusieurs autres maladies qui ne sont pas dues à des agents viraux ou bactériens montrent également de grandes variations saisonnières. Par exemple, les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), certaines maladies auto-immunes (diabète de type 1, polyarthrite rhumatoïde) et même certains troubles psychiques (dépression, schizophrénie) sont tous plus fréquents durant les saisons froides. Il semble donc que certaines variations de nos fonctions physiologiques au cours de l’hiver pourraient favoriser l’apparition de ces maladies graves.

Une hausse de l’inflammation associée à une hausse des maladies graves en hiver

Toutes les maladies qui frappent de préférence en hiver ont comme caractéristique commune d’être favorisées par des conditions inflammatoires, ce qui suggère que le système immunitaire pourrait jouer un rôle dans ces variations saisonnières.

Cela est confirmé par les résultats de la plus grande analyse effectuée à ce jour sur les variations d’expression génétiques qui surviennent au cours des saisons. En utilisant des échantillons de sang prélevés à différents moments de l’année, les scientifiques ont pu mesurer les niveaux d’expression de 22 822 gènes présents dans les globules blancs de 16 000 personnes vivant dans les hémisphères nord et sud du globe. Les résultats sont tout à fait spectaculaires: sur les 22 822 gènes mesurés, près du quart (5136) variaient considérablement selon les saisons, en particulier plusieurs gènes connus pour leur implication dans la réponse immunitaire et inflammatoire.

On a, par exemple, observé que certaines molécules inflammatoires (IL-6, CRP) augmentaient en hiver et il est probable que l’inflammation associée à une hausse des taux de ces molécules participe au développement de plusieurs maladies. Des études ont en effet montré que des taux élevés de la molécule IL-6 étaient associés à un risque accru de maladies du cœur, de diabète de type 1 et de certains troubles psychiatriques, toutes des pathologies qui surviennent de préférence en hiver. Cet effet négatif serait d’autant plus accentué que l’étude a révélé que certaines molécules qui agissent comme anti-inflammatoires naturels sont à leur niveau le plus bas durant l’hiver.

Bien que les mécanismes responsables de ces variations demeurent incompris, il y a peu de doute que ces changements pourraient grandement contribuer à la hausse de plusieurs maladies observée durant la saison froide.

Un souvenir de notre évolution

L’augmentation de l’activité immunitaire et inflammatoire durant l’hiver observée dans cette étude est probablement une adaptation physiologique destinée à combattre les agents infectieux, ceux-ci étant surtout actifs durant les saisons froides. Il faut se souvenir que les maladies infectieuses ont jusqu’à tout récemment représenté la principale cause de mortalité de l’espèce humaine et il est normal que le système immunitaire ait développé au cours de l’évolution une plus grande activité durant l’hiver, suivie d’un repos bien mérité au cours de la saison chaude.

Profiter de l’été pour améliorer sa santé

Cette plus grande réactivité de l’immunité dans les saisons froides peut cependant devenir problématique lorsqu’elle est combinée à des conditions pro-inflammatoires comme le surpoids, la sédentarité et une mauvaise alimentation. Nous pouvons donc profiter des vacances estivales du système immunitaire pour modifier nos habitudes de vie en adoptant un mode de vie sain qui minimisera cette prédisposition à l’inflammation pendant l’hiver qui vient et permettra du même coup de prévenir plusieurs maladies chroniques graves.

Source

Dopico Cetcoll.Widespread seasonal gene expression reveals annual differences in human immunity and physiology. Nat Commun ; 6:7000.

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Hélène Leroy