Danger des additifs alimentaires : les phosphates attaquent

Hélène Leroy

De nombreuses substances chimiques doivent être ajoutées aux produits industriels pour améliorer leur goût et leur durée de conservation. Ce qui est bon pour l’industrie ne l’est généralement pas pour notre santé, car une classe de ces additifs, les phosphates, pourrait augmenter significativement le risque de mort prématurée.

Le phosphate est un ion absolument essentiel à la vie et notre corps possède plusieurs systèmes de contrôle très sophistiqués pour maintenir sa concentration sanguine à des niveaux constants.

La carence en phosphate étant un phénomène plutôt rare à l’époque moderne, ce sont surtout les mécanismes impliqués dans l’élimination du phosphate qui sont actuellement sollicités pour éviter les problèmes de santé qui découlent d’un surplus de phosphate dans le sang. L’hyperphosphatémie est en effet une maladie dangereuse, associée à une calcification des vaisseaux sanguins qui accélère le vieillissement ainsi que le développement de maladies du cœur.

Deux principales hormones permettent d’éviter ces excès: la PTH, sécrétée par la glande parathyroïde, et le FGF-23, produit par les os agissent toutes les deux au niveau du rein en diminuant la réabsorption de phosphate, ce qui per- met l’élimination du surplus de cet ion dans l’urine. L’importance de ces mécanismes régulateurs est bien illustrée lors de l’insuffisance rénale chronique: plus de 70% des malades présentent une hyperphosphatémie et ce surplus participe activement à la hausse du risque de mortalité observée chez ces personnes.

Boissons gazeuses : 500mg de phosphate/litre

Plusieurs aliments contiennent des quantités appréciables de phosphate (produits laitiers, viandes, grains entiers, etc.) et il est très facile de combler les besoins journaliers en phosphore. En plus de cet apport normal, l’industrie alimentaire utilise fréquemment des additifs à base de phosphate pour améliorer la conservation ou encore donner une couleur ou une saveur particulière aux aliments.

Les boissons gazeuses, par exemple, contiennent des quantités importantes d’acide phosphorique (500 mg par litre), tout comme l’ensemble des aliments transformés (produits surgelés, mélanges déshydratés, charcuteries) ou servis dans la restauration rapide.

Cet apport est loin d’être négligeable: on estime que la quantité moyenne de phosphate ingérée a doublé depuis les années 1990, passant de 500 à 1000 mg par jour, parfois même beaucoup plus chez les personnes qui consomment beaucoup de produits transformés. Cet excès est d’autant plus important que ces phosphates ajoutés sont sous une forme inorganique, beaucoup plus facilement assimilés par l’intestin que les phosphates organiques qui sont présents naturellement dans les aliments. La quantité de phosphates consommée peut donc largement dépasser les quantités requises (700 mg par jour), ce qui met nos systèmes de contrôle à rude épreuve.

Hausse des maladies cardiovasculaires et de la mortalité

On sait depuis longtemps que les personnes affectées par une insuffisance rénale doivent limiter leur apport en phosphate pour éviter d’aggraver l’hyperphosphatémie qui accompagne souvent cette maladie. Des résultats récents indiquent que les personnes en bonne santé doivent également limiter les quantités de phosphate ingérées: une analyse des habitudes alimentaires d’une cohorte de 10 000 Américains âgés de 20 à 80 ans indique que les personnes qui consomment une quantité de phosphate supérieure à 1400 mg par jour ont jusqu’à deux fois plus de risque de mourir pré- maturément.

Cette nocivité pourrait être due à la hausse de FGF-23 requise pour maintenir les phosphates à des niveaux constants: cette hormone est en effet un facteur de croissance connu pour stimuler l’hypertrophie ventriculaire, et des études ont montré qu’un excès de FGF-23 est corrélé avec une hausse du risque de maladies cardiovasculaires et de mortalité.

Cuisiner soi-même et manger sain

Ces observations illustrent encore une fois à quel point les transformations qui sont requises pour améliorer la conservation et le goût des aliments industriels peuvent avoir des répercussions catastrophiques sur la santé. Il faut être réaliste: les produits industriels hypertransformés peuvent dépanner à l’occasion, mais ces aliments sont mauvais pour la santé autant pour leur contenu élevé en sucre, en gras et en sel que pour les agents de conservation qu’ils contiennent.

La seule véritable façon de vivre longtemps et en bonne santé est d’éviter autant que possible ces produits et de redécouvrir le plaisir de cuisiner ses repas soi-même.

Source

– Ohnishi M et Razzaque MS. Die- tary and genetic evidence for phosphate toxicity accelerating mammalian aging. FASEB J. 2010; 24: 3562-71.

– Kalantar-Zadeh K et coll. Under- standing sources of dietary phosphorus in the treatment of patients with chronic kidney disease. Clin J Am Soc Nephrol. 2010; 5: 519-30.

– Chang AR et coll. High dietary phosphorus intake is associated with all-cause mortality: results from NHANES III. Am J Clin Nutr. 2014; 99: 320-7.

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